Anne-Françoise Dorbec et Jacques-François Piquet / La ville et la différence un atelier d'écriture en milieu scolaire prend tout son sens s'il s'inscrit dans une démarche visant à mieux comprendre les mécanismes de l'écriture créative et, par là-même, à se familiariser avec la littérature qui se pratique aujourd'hui |
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à Longwy, un atelier d'écriture mené par une enseignante,
Anne-Françoise Dorbec, et un écrivain, Jacques-François
Piquet sur remue.net, régulièrement, invitation lancée à des ateliers d'écriture pour présenter en ligne des extraits de leurs travaux |
enjeux, questionnements, rebonds, quelques idées soulevées par Anne-Françoise Dorbec... à débattre? Si j'avais une analyse (ou plutôt un questionnement) à proposer,
ce serait sur le " re-travail " des textes avec les élèves.
Les étapes de présentation, mise en oeuvre, etc., auxquelles
j'ai assisté dans mes classes ne m'ont posé aucun problème
et m'ont beaucoup intéressée. Quand j'ai commencé
à passer de table en table, en même temps que JFP, pour regarder
ce qu'écrivaient les élèves et les encourager, ça
allait encore très bien. J'ai senti les premiers symptômes
du malaise de l' " assistante à l'écriture " quand
notre tâche consistait à aider les élèves à
améliorer leur production. Autant je me sens à l'aise quand
il s'agit de vérifier l'application de contraintes linguistiques
(orth, syntaxe) ou propres à l'exercice (longueur, densité,
utilisation de métaphores...), autant j'ai le sentiment que mon
" aide " selon d'autres critères (originalité,
richesse symbolique...) risque de déraper vers quelque chose de
déplaisant pour tous (jugements négatifs sur des textes
où ils sont fortement impliqués, ingérence de la
subjectivité du prof., lassitude de jeunes de 15, 16 ans à
qui l'on demande de "cent fois sur le métier"...). Jacques-François
Piquet me semblait esquiver allègrement ces écueils, qui
me paralysaient quelque peu... Je m'en tirais en suggérant à
mes élèves de "consulter l'expert "!
et le travail d'Af-F. Dorbec sur Metaphor City sur le site de l'Académie Nancy-Metz |
La pièce de théâtre de Jacques-François Piquet intitulée Metaphor-City pourrait aussi sappeler La ville et la perfection : à force de vouloir une cité idéale, les habitants en arrivent à chasser hors de leurs murs tous ceux qui font tache : les bruyants, les violents, les pustuleux, les déguenillés Ainsi «épurée», la ville croit avoir enfin trouvé la Beauté. Mais une secrète nostalgie la ronge la nostalgie de la vie. Sur les pas de Jacques-François , et de trois autres poètes quil a lui même pris pour guides, Saint John Perse, Philippe Longchamp, Italo Calvino,des élèves de 2nde du lycée de Longwy se sont essayés à lécriture poétique, sefforçant de donner à voir, à entendre, à sentir... Ainsi ont été jetés les fondements de villes métaphoriques. Les élèves ont peu à peu construit les images de la différence, du bien-être, du roman, de lemprisonnement, de linsignifiance, de lavarice... De nombreuses autres cités sont encore en travaux. Nous vous proposons de visiter quelques-unes de leurs «villes invisibles» et de rencontrer leurs habitants. Si vous leur trouvez des imperfections, songez à lenseignement délivré par Jacques-François Piquet dans Metaphor-City dites-vous que ces villes sont encore très vivantes... Anne-Françoise Dorbec Un atelier d'écriture en milieu scolaire prend
tout son sens s'il s'inscrit dans une démarche visant à
mieux comprendre les mécanismes de l'écriture créative
et, par là-même, à se familiariser avec la littérature
qui se pratique aujourd'hui. A l'initiative de Mme Anne-Françoise
Dorbec, professeur de lettres au lycée Alfred Mézières,
plusieurs classes de seconde de cet établissement ont travaillé
l'an passé sur l'une de mes pièces et une rencontre avec
les élèves a été organisée à
cette occasion. En soi, cette initiative mérite déjà
d'être saluée, car encore trop peu de textes contemporains
sont étudiés en classe et encore trop peu d'élèves
ont eu l'occasion de rencontrer un auteur, d'où la perpétuation
en trop de tÎtes de l'idée qu'"un bon écrivain est
un écrivain mort". Forcément.
Cette année, Anne-Françoise Dorbec et moi-mÎme avons décidé de pousser plus avant cette démarche de sensibilisation en proposant aux élèves d'aborder non seulement l'écrit, mais l'écriture. Ce qui revient, soit dit en passant, à remettre les boeufs avant la charrue. En quelques heures d'atelier, il ne s'agit pas de "fabriquer" des écrivains, ni mÎme de leurrer qui que ce soit sur la portée d'une action aussi ponctuelle. Non, l'objectif est ailleurs, plus modeste et tellement plus important : découvrir, Ître surpris, se surprendre, affûter son sens critique en apprenant à se lire avant de lire les autres. Ainsi, c'est donc "ça" qu'écrire... Autre chose que simplement enfiler des mots qui font des phrases qui font des paragraphes, etc...Nul doute après ça que le regard de celui qui a "essayé" l'écriture n'est plus tout à fait celui du simple lecteur. Une petite fenêtre vient de s'entrouvrir et le rai de lumière qu'elle laisse entrer éclaire nouvellement les pages du livre. Si en plus celui qui l'a entrouverte est celui-là même qui a écrit le livre, alors la boucle est bouclée. Du moins pour ce qui nous concerne. Car il en faudra d'autres après nous, d'autres professeurs, d'autres écrivains pour poursuivre l'apprentissage amorcé et faire qu'après cette fenêtre, il s'en ouvre d'autres, beaucoup d'autres, et que la lumière soit, encore et encore : on n'est jamais trop éclairé ! Jacques-François Piquet |
LA VILLE ET LA DIFFERENCE Celui qui, noir, jaune ou blanc, souffre de faim, de
froid et qu'un autre, bien nourri, bien au chaud, regarde sur son écran
de télévision en sirotant un thé à la menthe.
. Celui qui arpente les rues avec sa canne blanche, son
chapeau de pêcheur et, autour du cou, sa radio qui lui parle fort
et lui tient compagnie. Samedi, treize heures trente, rassemblement Ceux qui, par leurs mains tendues dans la rue, font que
nous nous sentons "privilégiés de la société"
alors qu'à leurs yeux nous ne sommes que des "ratés
de la générosité". Celui qui, tous les jours, vient dans ce café
pour se sentir moins seul, boit les regards et les mots, se nourrit de
la vie des autres et, une fois rentré chez lui, rêve d'une
autre vie. Sombre et bruyante : une gare. LA VILLE ET LE BIEN-ETRE Gare de Lyon, quatorze heures, départ d'un train. Celui qui, tous les matins, sitôt son café bu, démarre sa vieille camionnette et part au travail le cur léger. Joséphine Cutaia Celle qui, lorsqu'on entre dans sa cuisine, fait découvrir
les couleurs de l'Italie, poivrons, tomates et délicieux coulis
mêlés aux farandoles de pâtes et de spaghettis - de
quoi embaumer la vie ! Celui qui dans la rue passe sans me voir, dont je ne sais rien, ni où il va ni qui il est mais dont la seule présence me suffit. Guylaine Hanus Jeudi, entre 15 et 16 heures, au "Chap", café
des lycéens. LA VILLE ET LEMPRISONNEMENT Celui qui, avare, vit dans un temps arrêté il y a cinquante ans. Thomas Radtka Celle qui veut absolument tout réussir et en oublie ses rêves. Aurore Colin Celui qui, habillé sans soins, toujours la cigarette aux lèvres, répète à ses élèves quil faut entretenir sa forme et sa santé. Thomas Radtka Le soir, fête au village, Celui que lon ne veut pas attendre, que lon ne veut pas voir, mais que lon salue tout de même, lâchement, hypocritement, quand il arrive. Julien Consoli Celui qui, tous les jours, vient dans ce café pour se sentir moins seul, boit les regards et les mots, se nourrit de la vie des autres et, une fois rentré chez lui, rêve dune autre vie. Justine Baldin Mac Donald, midi, la foule. LA VILLE ET LINSIGNIFIANCE Celle qui, après le café et la cigarette, tricote ou fait des mots croisés en attendant que son mari rentre avec les provisions pour le déjeuner. Mélissa Ricci Celle qui nest pas réaliste et prétend que la vie est pleine de rebondissements, tous plus merveilleux les uns que les autres. Aurore Colin Nancy, stade de foot, fin daprès midi, Celle dont la voix est forte et le geste bruyant, et qui tous les samedis matins fait son ménage à fond en se lamentant que je sois encore au lit au lieu delaider. Aurélie Gérard Celle qui, tous les matins, entre en trombe dans ma chambre, tire brusquement les rideaux, ouvre grand la fenêtre et laisse le froid finir de me réveiller. Eve-Laure Benoît
LA VILLE ET LE ROMAN Celui dont les histoires me font rêver, si bien
écrites quil est impossible de sen lasser, mais qui
est mort aujourdhui et que jaurais voulu connaître. Marilyne
Ciprietti Celui qui tous les matins, tous les soirs, nous emmène au lycée, nous ramène à la maison, dit bonjour au revoir, fait ce quil doit faire, assume ses responsabilités. Jonathan Degrotte Vendredi soir, un garçon entre dans le cinéma. Dabord il y a celle qui la mise au monde LA VILLE ET LAVARICE |