Laurent Evrard / Projectiles "Comment s'en sortir : succédanés" |
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Nous sommes nombreux à connaître Laurent Evrard d'abord comme libraire, nous savons depuis longtemps pour tant de lectures et de découvertes que nous lui devons sa passion et son exigence. Nous sommes moins nombreux à savoir son engagement parallèle dans l'écriture. Mais la revue Lignes de Michel Surya a publié il y a quelques mois un premier texte de Laurent, on pouvait insister pour en obtenir de lui un second... FB |
Projectiles I Comment sen sortir : succédanés.
Où va-tu, maître ? Je ne sais pas, dis-je, je
ne veux que partir dici, seulement partir dici. Sans cesse
partir dici, ce nest quainsi que je pourrai atteindre
mon but. Donc, tu connais ton but ? Oui, répondis-je,
ne te lai-je pas dit : partir dici, tel est mon but.
si lesprit ladmet il pense ce sera difficile la difficulté sera grande il se peut seulement que ladmettre soit difficile il sen doutait déjà il a les yeux ouverts ny suffira jamais se tenir à une ligne de faits il dirait encore sur une ligne de crête le vide au dessous à sen trouver mal ne pouvoir se lever ou nécessiterait un exercice virtuose voltiges de pieds et de mains pour aller ne le pouvoir que par saillies mais nécessairement se lever ou alors comment sen sortir il navait plus que cette pensée bien quil aurait du se résigner, comme lui même lavait cru il y a peu, comme tous, ceux quil côtoyait encore, voulaient depuis le commencement quil se résignât, lui faisant comprendre quil navait aucune chance et quà la fin tout crève, ne subira pas sans réagir le corps se soulève appuyé en sarc-boutant tôt ou tard il faut se soulever en toutes façons naurait pas tant fait jusque là pour abandonner en venir à bout allez au diable je ne men tirerai quà grand peine mon mouvement sera bête et nu ce serait ce quil faudrait faire ce qui importerait le plus en linstance la première chose quil faudrait dans tous les cas faire justement ne pas se résigner poursuivre sans trêve il est encore très tôt la nuit sest fendue dune lune précieuse ne serait-ce que pour un instant je naccepterais jamais ce qui mest refusé aucune demi mesure si ainsi à peu prés tout sen faut le corps saillant et nu de la bête le sien se soulève juste assez pas assez encore pas bien fait attention trop pesant pas assez vif ni assez laxe tout à craindre que defforts pour rien la tête dans les mains pour se fuir qui force à regarder même dune minute le tracé de fer-blanc des étoiles dans le ciel il y a des gens terrifiés à en périr jirai tout mal bientôt il est à peu prés sur tout crève brief ne sert à rien se faire du mauvais sang rien de plus pressé à faire que de se lever le corps retombe pesamment, lourd dune chose soudaine quil ne peut surmonter et dune certaine négligence, cest fichu il pense et ce le sera tout du long, il commence à saffoler, il voudrait répondre que voulez-vous je ne peux pas en ai assez vu quon se le dise bien que de chutes je vous avais bien dit je gis seul pourtant dans lombre un bruit daile un mouvement si faible quil sétonnait de pouvoir lentendre cétait un désir infini il voulait croire à ce bruissement mais le silence était saisissant il ne fallut pas moins dune heure pour quil sen remette encore que peu ou point en état, sait bien quil nen est rien, mal remis il dirait, naturellement pas en état de se remettre, ne peut se rétablir que difficilement, ne peut sen tirer quà grand peine, cela semble avoir duré des siècles, ne suis jamais tombé aussi bas quoi vouloir dautres qui comment là cesse toutes fictions on ne fait que se sentir tomber à quoi ça mène t-il sil était possible quelque part combien vain nécessité de vivre cest ainsi tout retombe que lon sache, tout ce qui tient, de quelque façon que cela tienne, après sêtre corrompu à tous les degrés possibles, comment trouver encore assez de vigueur pour sélancer, quon puisse le déplorer ou non, tout aussi bien le contester, un effondrement, la fosse, cest le monde, cest là, tout de bon, il ny a rien à venir, nullement me voilà jeté bas sanglé roidi ne voyant quasi personne il disait ne vivant plus que pour lui-même dans un coin lextrême coin gauche de la chambre le plus sombre au risque de passer pour fou totalement désemparé à chaque rechute, en tout et pour tout une chacun des jours, et qui lépuisait lentement, laffaiblissant petit à petit, réduit à rien une réalité vivante de bête,
moins honteuse à dire quil ne le pensait, il sessayât
à quelques exercices de reptation, ça irait presque
pour sen sortir, se désenlacer de son propre corps, mais
cela narrangeait rien, se lever restait périlleux, assurément
se lever restait pour lui la chose à accomplir la plus périlleuse,
pour le seul moment le plus bas le plus misérable en soi laimer
cela suffirait à tout il regarde droit devant dans le vague, oublieux et sans pensée à moitié couché sur un matelas à même le sol mal réveillé sur ce quil appelait sa couche inconfortable le seul lit sur lequel je dors moins mal mieux que partout ailleurs je ne sais comment pourtant un grabat croyait-il en conscience pareille chose pourtant le veut ainsi le plus quil ne le croit le voudra davantage quil nait jamais cru et par la même fastidieuse cette manière quil avait de sen convaincre, il ajoutait avec application assidûment encore sen convaincre ce nétait pas possible que se fasse autrement quand on y songe que de cette manière la, pour lui il ny en avait aucune autre, aucune quon puisse sautoriser à penser même accessoirement, sen convaincre de la commune sorte comme on appliquerait un traitement à une bête malade, avec le plus grand soin, il est encore incapable de se déplacer, tel quil est là, engourdi, poitrine rentrée, vu de dos, sur le flanc, il na lair de rien, il pense je suis dans un triste état le penser semble avoir un effet bienfaisant cest mieux ce nest pas encore lheure, sétire sans gestes brusques tout exige une correction en juste balance pour éviter
les coups travail desquives de la sorte que sen sortir sans
trop de brutalité na quun recours se tenir au mur comme
à deux portants sétire, sévertue à se redresser, pour bien commencer, une jambe tendue lautre fléchie, forcé de reconnaître que ce nest pas si simple, une main au sol pour appuie, lautre sur le mur, ne dispose que dune latitude restreinte de mouvement, ses seuls doigts disjoints inconstants et mobiles semblent soutenir la masse et faire force, donne plutôt des bras que du torse, ny suffira pourtant pas pour léquilibre, simmobilise, aucune mémoire spatiale, ne voit rien, ne dit rien, pas dyeux, pas de bouche, plus aucune relation de phases entre les parties de corps, et chacune devrait pourtant périr pour toutes, sans reste la posture est instable, se croupit tant, rien nest exempté de corruption, qu à un moment donné finit à genoux, il se détraque, tête basse, dos voûté, replié, rassis, menton sur poitrine, bras ballants, semble soumis, lèvres entrouvertes, ne cri pas, nappelle pas, nappelle jamais personne, ne tînt pas le choc, le bruit dun souffle, lélargissement de la douleur tant lui plus mal dans la torsion corps agité jambe torte malade gâtée le secoue infectement tout du long coté droit remonte en temps très court par contractions successives à chaque mouvement exténuant toutes sortes datteintes en droit fil de laine du cul au cur élancement jusquoù iras-tu donc comment être au bon endroit se faire à chaque jour sans se préoccuper de savoir où ce sera sen tirer plus mal que dautres, dont laptitude et la facilité seraient grandes, il renverse sa tête davant en arrière puis dun versant lautre tous les moyens sont bons je ferais tout je peux le dire même sans que cela convienne nimporte quoi qui eût pu servir à vif ou de sang froid tout accepter pourvu ou non quon soit sen faire ainsi que cela coûte ou afflige quil y ait plus de vigueur dans les vertébrales choisir son point sinvectiver bien mal à fond mais que cela arrive que ça vienne que ça naisse ce quil faut éviter avant tout cest de sengourdir voilà un crâne humain il pense qui connaît lagitation, il imaginait, lui et sa propre vie, ce quil en restait, eu égard au fait de la conscience quil en avait justement, de ne pouvoir sen sortir jamais aucunefois , depuis un certain jour, quil avait fini par reconnaître comme plus difficile de sen tirer, que sen tirer plus mal du mauvais pas, il dirait, que ne le dira jamais assez est-ce quon peut le dire comme ça comment est-ce arrivé, sans coup férir, que faire pour empêcher tout ça que répéter la même chose inutilement que les mots aillent où va le corps sen va cherchant à se perdre et senferrer tant y a quà la fin ne pas en sortir ne dut pas y être pour rien je lai voulu chacun des jours à faire le bout il aurait dit quau début tout aussi bien quaujourdhui partir dici tel est mon but se ressaisir du moindre geste, une tentative, il paraît que cela ne va pas très fort cest une nuit sans courage, il reste à trouver comment faire pour se dominer, il ne put que dire ne pas savoir être meilleur quune bête cest dire quil faut se remettre tout à lesprit et tenir la bride haute, pour décemment porter le corps, grand peine à revenir à soi, y vient rampant, sur le ventre, napprit pas à ramper, ne manque pas de faire rire quand on le voit, vautré, se met à quatre pattes, reflue, sous son propre poids, sétale, se couvre de macules et salissures, gris cendre, brunes et pourpres, courbe léchine, tendant le cou pour renifler, le visage un peu tiré par la fatigue, souffre un lacis de nerfs, encore un petit effort encore, se décidant enfin à parler avec une froide répugnance comme on sadresse à une bête curieuse je vous enseignerai avait-elle dit sur le sort du plus bas des mondes, cest quelle nétait pas dedans quest-ce qui fait quon entre dedans le ciel est noir de pluie cest un jour mauvais on voudrait senfuir dans une région de ciel plus clair ce ne devait pas avoir le même sens pour lui que de dire sen sortir ou être tiré daffaire, que ne pas y réussir du premier coup, quil nest rien que nous essayions qui puisse réussir demblée, il aurait dit, et pas davantage que nous puissions réussir, et encore moins, dune seconde et suivantes, à tout bien considérer, on senfonce toujours plus avant, dans le plus bas des mondes, quelque soit le mal quon se donne dentrée de jeu, pensant à tout ce quil faut faire ce serait encore aller trop loin, même le peu quil y aurait à y parcourir, mais il fallait bien que je continue, mérite au moins quon essaye, toujours suis-je tenu encore dessayer, il dit, une tentative à cause de ce quon peut craindre la nuit on nen sait encore moins du jour les corolles dangoisse rien dapaisé matin levant que vas tu faire maintenant aller en guenilles en piteux état tant pis rien à peine présentable quelle honte il avait commencé à sy préparer est-ce quun homme peut mourir dun chant |