I
Le 24 novembre, Erwan Ponteuil sélança dans le hall
de la gare Montparnasse en courant, plusieurs pensées sélancèrent
à sa suite, pensées de son rendez-vous retardé, du
visage de son interlocuteur, de son énervement rentré lorsquil
avait compris que tout ça - le voyage à Paris, le rendez-vous,
ses dossiers, ses efforts de persuasion - ne servirait à rien,
quil naboutirait à aucune décision concrète,
pensées sur son horreur des métros, sa peur dêtre
en retard, sa certitude de rater le TGV qui le reconduirait à Nantes,
sa légère angoisse davoir eu à voyager sous
terre, dans des boyaux interminables, pensées sur limage
quil pouvait bien donner, un homme, la trentaine, en costume cravate,
une sacoche à la main, courant dans les escalators interminables
de la gare, Erwan pensait quil offrait exactement limage de
ce quil ne voulait pas être, puis il entendit lexplosion.
Ou plutôt lincroyable déchirure.
Le métal, des tonnes et des tonnes de métaux compressés.
Il déboucha sur le quai à la seconde précise où
le train que les journaux du lendemain appelleraient le TGV fou finissait
sa course. Après avoir traversé de part en part un autre
train en attente. Son train, réaliserait Erwan dans quelques minutes,
le train où il aurait déjà dû prendre place.
A cet instant, Erwan ne pensait rien, il essayait de comprendre les vastes
pans de tôles et de plastiques enchevêtrés, les hurlements,
les essieux suspendus au milieux des piliers de béton, les rails
dressés vers le ciel, les hurlements, les flammes grandissantes,
les torsions de la matière, les hurlements, la fumée finissant
par dissimuler le spectacle inouï des deux trains encastrés,
le craquement brutal du plafond qui cède, le souffle de la poussière,
lobscurité absolue bien quil fasse jour. Les hurlements.
Erwan fut projeté en arrière par la course des voyageurs
affolés, blessés, paniqués. La poussière obstruait
ses narines, râpait ses poumons. De chocs en chocs il se retrouva
sur la vaste place au pied de la tour dominant Paris. Des souvenirs de
films américains se superposaient à la réalité.
Films de bombes, de comètes, douragans, dovnis hostiles.
Les gens alentour ressemblaient à des figurants. Ensanglantés,
hystériques, déchirés, pleurant, rampant. Et bien
sûr licône télévisuelle des twin towers
simposa, louragan de poussière, la marée de
fragments, les passants couverts dun voile blanchâtre. Erwan
séclipsa avant larrivée des premières
ambulances. Simaginer, une couverture brune sur les épaules,
entouré de pompiers, lui fut insupportable.
Les aiguilles de sa montre confirmèrent quil avait bien assisté
à la destruction de son train, son train pour Nantes, le train
censé le conduire vers sa femme, ses deux enfants, le train dans
lequel il aurait dû prendre place sans le retard de son rendez-vous,
le train perforé, broyé, brûlé puis enseveli
sous des montagnes de béton. Alors quil séloignait
le long de la bien nommée rue du Départ, Erwan repensa à
des interviews entendues à la radio. A chaque fois quun avion
sécrase, les journalistes retrouvent les quelques passagers
qui auraient dû prendre place à son bord, ceux qui ont survéçu
grâce à une grippe, un pneu crevé, un embouteillage,
une cheville foulée dans les couloirs de laéroport.
Le miraculé.
Erwan bifurqua. Il ne voulait plus entendre la rumeur lointaine, les sirènes
venues assister en nombre à limprobable accident.
A grandes enjambées, il rejoignit la gare de Lyon. La promenade
lui permit dépousseter son costume, de transférer
dans une poubelle son téléphone et les dossiers professionnels
de sa sacoche. Le compte fait, il disposait par chance de deux cents euros
en liquide. En route il compléta sa dot en vendant son baladeur
laser et les quatre disques quil avait amenés pour le voyage.
II
Assis en haut des marches dun gigantesque escalier, Erwan regardait
les allées et venues des bateaux dans le port. Loin, sur lautre
rive de la vaste baie se devinait lemplacement dune base militaire.
Larchitecture imposante linquiétait. Quelque chose
à voir avec les souvenirs du fascisme, sans doute. Comme pour la
façade de la gare de Milan. En usant dun peu de ruse, de
patience et de mauvaise foi, Erwan avait gagné Brindisi en trois
jours. Sans dépenser un sou. Face à lui, les marches descendaient
vers le port, pas limportant port destiné aux voyageurs,
juste le petit débarcadère de pêcheurs situé
vers lintérieur de lanse. En bas, à gauche,
Erwan avait découvert des douches publiques. Fermées, bien
évidemment. Il avait toutefois pu en négocier la clé
auprès du gérant dun minuscule café attenant.
Au sol, à ses côtés, lédition de Libération
de la veille. Encore une pleine page sur la tragédie du train fou.
Un TGV dont des freins lchent, un aiguillage informatique déréglé.
Une probabilité proche de zéro pour quune telle catastrophe
se produise. Les sauveteurs continuaient de déterrer des corps
rendus méconnaissables par laccident. Déjà
plus de quatre-vingt-dix morts. Le bilan risquait de salourdir.
La SNCF osait évoquer deux cents victimes. Plusieurs hauts responsables
venaient dêtre mis en examen. Ils devraient rendre compte
de limpossible.
Erwan se leva et se dirigea vers une petite chapelle située dans
son dos, tout en haut de lescalier. Fermée également.
A croire que tout était fermé dans ce pays. Daprès
la police, encore cent soixante personnes étaient portées
disparues depuis laccident. Il faisait partie du lot. Erwan navait
jamais visité Naples, la chapelle dont il tentait douvrir
la porte lui évoquait des photos de Naples remarquée dans
des magazines. Sur les quatre-vingt-dix corps découverts, seule
une petite moitié avait pu être identifiée avec certitude.
Erwan renonça. Brindisi le lassait par son va-et-vient continu.
Il navait que moyennement envie de demeurer là, au sud, au
bas de la botte que toutes les cartes de géographie tentent de
faire passer pour une représentation de lItalie.
Troublé dans ses réflexions par larrivée dune
bruyante bande de jeunes gens, Erwan descendit vers le port. Un garçon
linterpella. Il était vêtu dune surchemise deux
fois trop large, de vastes baskets. Erwan fit signe quil ne comprenait
rien. Les jeunes éclatèrent de rire. Il réalisa dix
minutes plus tard quil avait oublié son journal sur les marches.
Il navait pas fini de lire larticle sur laccident où
il avait trouvé la mort.
Tant pis.
Face au port, Erwan commença à réfléchir sur
les meilleurs moyens de sembarquer pour la Grèce.
III
A Igoumenitsa les nouvelles ne différaient guère de celles
quil avait pu lire deux jours auparavant. Cent soixante-deux victimes,
une bonne moitié de non identifiables, des débris de corps
à ne plus savoir quoi en faire, de la bouillie et des cendres.
Sans prothèse dentaire ou autre signe très distinctif les
secouristes ne pouvaient rendre les dépouilles à leur famille.
Nul ne savait comment répartir équitablement les rares morceaux
récupérés. Le reportage évoquait un deuil
national. Les concitoyens dErwan bouillaient dindignation,
il fallait des coupables. Plusieurs associations naissaient pour se porter
partie civile dun procès que lon espérait exemplaire.
Assis à la terrasse dun minuscule bar excentré, sirotant
un café épais face à une route et au calme ample
de lAdriatique, Erwan sentit une angoisse se nouer en lui. Fermement.
Sa femme perdrait-elle son temps à sinvestir dans de telles
luttes, à réclamer avec haine la tête des coupables,
à ségarer dans des réunions, des pétitions,
des espoirs de justice. Depuis sa mort, il préférait limaginer
terrassée de chagrin, dun bouleversement qui occupe tout
le corps, qui se déploie pour masquer toutes les pensées.
Un chagrin total, lisse et cotonneux. Un chagrin qui refluerait doucement,
vague par vague. Sa famille lui manquait. Il ne voulait pas lenvisager
emportée par la vitesse de luttes inutiles. Erwan régla
son café. Le patron lui montra les photos du journal, leva les
bras au ciel et employa quelques mots de français appris à
force de fréquenter les touristes. Que la catastrophe était
regrettable. Que cest surtout malheureux pour les gens qui ont des
enfants. Que lui même pouvait comprendre cela, il avait trois filles.
Il sortit de son portefeuille des photos pour donner de la force à
ses propos. Erwan ne put retenir ses larmes. Il marmonna une vague explication
au sujet dun parent à lui dans ce train-là, précisément,
se leva et partit se poster au bord de la route. Il tendit sa paume ouverte
en direction des camions, se souvenant des conseils du routier italien
qui lavait dissimulé dans un creux de son chargement. Lhomme,
rencontré dans un café, avait sympathisé avec lui,
avait accepté de le cacher lors de sa traversée vers la
Grèce. Erwan navait pas très bien compris les motivations
de litalien. Il ne sétait dailleurs pas trop
soucié de les percer, profitant de sa chance, comme un joueur au
casino qui sent la roulette obéir à ses désirs. Le
routier lavait conseillé sur la marche à suivre en
Grèce. Ne jamais faire de lauto-stop en tendant le pouce,
insulte suprême en ce pays. Avouer tout de suite sa nationalité,
les Français étant appréciés des Grecs. Et
des Grecques, avait conclu litalien en roulant les yeux. Erwan avait
traversé lAdriatique caché au milieu dune cargaison
de légumes. Dans le roulis quasi imperceptible du ferry.
Un camion sarrêta. Un camion se rendant à Athènes.
Parfait. Le conducteur, une cinquantaine dannées ne comprenait
pas un mot de français ou danglais. Ils finirent par dénicher
tous deux des souvenirs scolaires despagnol pour pouvoir échanger
quelques phrases. La route défilait, le gros véhicule avalait
les kilomètres avec avidité. A bout de conversation, le
conducteur attaqua la seule chanson dont il connaissait les paroles en
espagnol. Il chanta la cucaracha durant plus dune heure.
La cucaracha,
la cucaracha,
ya no puede caminar,
porque no tiene,
porque le falta,
marihuana que fumar.
Lorsquils atteignirent lune des rares autoroutes du pays,
Erwan avait réussi à totalement sabstraire des heurts
de la route, du bruit du camoin, de son déplacement, même
de lhymne répétitif à la consommation de drogues
douces. Une fois, par le passé, il avait entrepris un tel voyage.
Un jour de semaine, une entrevue annulée à la dernière
minute lui avait permis de débaucher plus tôt. Deux heures
avant son horaire habituel. Sengouffrant dans la rocade nantaise
pour regagner son domicile, il avait filé tout droit, accélérant
devant la sortie quil empruntait tous les soirs, traversant le gigantesque
pont de Chéviré dressé sur la Loire. Il avait poursuivi.
Son cerveau était lavé de toute pensée. Le réservoir
contenait les trois quarts dun plein. Quittant Nantes, il avait
conduit vers Cholet, puis Bressuire, Parthenay. Il sétait
réveillé à lapproche de Poitiers, avait fait
demi-tour et avait regagné son domicile, sexcusant auprès
de sa femme de son retard imprévu. Une réunion, avait-il
invoqué.
Il avait gardé de cette course sans but un souvenir étrange.
Un peu comme sil avait trompé les siens. Oui, tout à
fait comme une infidélité secrète. Culpabilisante,
mais attirante. Un peu minable, mais érotique. Même sil
ne connaissait pas cette situation, il pouvait maintenant comprendre cela,
lhomme marié, heureux, père de famille, succombant
pour une unique soirée à lattrait dune autre
femme. Se rongeant ensuite les sangs, tenaillé par le repentir.
Dès son arrivée, Athènes lui fut antipathique. Trop
grande, trop sale, trop similaire, en fait, à la capitale où
il avait connu la mort la semaine précédente. Il passa devant
un kiosque à journaux en luttant contre la tentation dacheter
à nouveau un quotidien français et se renseigna au sujet
des bus traversant le pays. Guidé par une impulsion, il acheta
un billet pour Delphes.
Le trajet en bus, bien que de courte durée, lui fut particulièrement
pénible. De nombreux enfants sobstinaient à jouer
dans lallée centrale, et lun deux sobstinait
à ressembler à son fils de quatre ans. Chaque cri de lenfant,
chaque regard détourné, ramenaient Erwan à Nantes,
dans sa maison confortable, parmi les larmes des siens. Quelles têtes
feraient-ils sil rentrait maintenant ? Sil décidait
que le jeu avait assez duré. Sil rebroussait chemin pour
sonner à sa porte, comme Ulysse retournant auprès de Pénélope.
Se jetteraient-ils dans ses bras ? Pousseraient-ils des cris deffroi
?
Le gamin qui ressemblait à son fils trébucha et se fit mal
contre laccoudoir dun siège, son père se leva,
rajouta une engueulade à la bosse et lenfant disparut enfin
de la vue dErwan. Delphes, croyait-il savoir, représentait
pour les Grecs anciens le centre du monde. Zeus avait lché
deux aigles à chaque extrémité de la Terre. Volant
droit devant eux, cest à Delphes quils se rencontrèrent.
Ses souvenirs furent confirmés sur place par une visite au musée
darchéologie, la légende était détaillée
dans la salle de lOmphalos, vaste pierre sculptée marquant
le lieu exact de cette jonction. Pour le reste, Delphes savéra
nêtre quun vaste village, marqué de manière
indélébile par le tourisme. Après une visite au temple
dApollon, Erwan senfuit à nouveau. Aux conducteurs
qui sarrêtaient il nindiquait aucune destination, se
laissant conduire au hasard des routes.
Parvenu dans un village perdu du centre du Péloponèse, hors
des circuits sillonnés par les vacanciers, Erwan comprit plusieurs
choses. Il devait changer de vêtements, son costume enfilé
pour un rendez-vous parisien navait plus de forme véritable.
Il devait également penser à subvenir à ses besoins,
nayant plus en poche que léquivalent de cinquante euros.
Pas mal tout de même, se félicita-t-il. Il avait tenu près
dun mois avec une somme ridicule. Et pourtant, il en avait gagné
de largent, avant. Erwan possédait une voiture, spacieuse
et confortable. Une maison dont les remboursements du crédit écrasaient
sa vie. Il possédait également lessentiel. Des objets
dont la mort lavait privé. Il regrettait ses livres, plus
de six cents ouvrages. Ses disques également. Le reste nétait
plus quun lointain passé. Ses manuscrits par exemple. La
petite douzaine de livres quil avait écris, que des éditeurs
avaient refusée. Six semaines auparavant, Erwan aurait peut-être
lutté pour conserver tout cela, cet amoncellement de bois, de tissus,
de papiers, de phrases, de métaux et délectroniques.
Avec un cambrioleur il aurait pu en venir à se battre. Cette lointaine
préhistoire leffrayait. Seul un immense creux béait
en lui, un creux à trois places, un creux suffisamment spacieux
pour y loger sa femme, sa fille et son fils. Du reste, il détestait
employer les possessifs pour évoquer des êtres humains, tout
comme il ne supportait pas de dire ìsa femmeî pour parler
de la femme quil aimait. Un creux démesuré où
pouvaient se lover une femme, une fille de six ans et un garçon
de quatre ans.
Sentir le creux permettait à Erwan de mieux comprendre que tout
retour nétait plus possible. En quatrième page dun
quotidien français, il lut un bref entrefilet sur laccident
ferroviaire. Des crédits exceptionnels venaient dêtre
votés pour permettre la reconstruction de la gare et améliorer
la sécurité des systèmes informatiques. Les enquêteurs
tentaient de mettre en lumière les causes du drame. Le déjà
vieil accident se fondait dans le passé. Son corps avait bien fini
par être découvert sous les décombres. Mutilé,
calciné. Mais bien son corps. Un détail, la couleur dune
chemise, le cuir de son porte-document, avait permis de lidentifier
avec certitude. Il ne savait ce que ses restes étaient devenus.
Il navait que peu parlé de la mort avec les êtres quil
aimait. Juste évoqué son aversion des tombes, des mots dans
le marbre, des toussaints obligées et de ces espaces où
la mémoire se concentre, se durcit et sankylose dans la lourdeur
de la pierre. Une certaine femme savait son horreur des croix. Il espérait
avoir été incinéré.
Lété approchait, Erwan trouva du travail dans un village
de vacances, un village incroyable, resplendissant de chaux et de blancheur,
implanté à flanc de colline en une succession de paliers
lumineux. Rien ici nexistait voici dix ans. Le village entier était
loeuvre dune agence de voyage anglaise. Chaque maison attendait
un retraité durant les quatre mois de la chaude saison. Sa parfaite
connaissance de langlais lui procura un petit emploi dintendance.
A mesure quil gagnait en confiance dans son apprentissage de la
langue grecque, Erwan stabilisait son existence. Le directeur du centre
de vacances lappréciait. Hollandais en exil, lhomme
névoquait jamais son passé. Leur amitié se
déroula en silence, dans lesquive volontaire des questions.
Les deux hommes échangèrent beaucoup, mais ne savancèrent
pas vers labord des confidences. Vieillissant, le hollandais prit
bientôt sa retraite. Ils se quittèrent sans un mot de trop.
Recommandé auprès des financeurs anglo-saxons, Erwan fut
promu directeur. Il exigeait dêtre payé chaque mois
en liquide. Il ne voulait pas ouvrir de compte en banque. Cest à
cette époque quil détruisit consciencieusement sa
carte bleue visa. Ainsi que son chéquier.
IV
Trois années passèrent, en France le procès des responsables
provoquait un éphémère regain dintérêt
sur la catastrophe. Brusquement Erwan Ponteuil démissionna de son
poste de régisseur dun village vacances à Corfou et
sembarqua vers lAfrique. Sa trace se perdit là, à
lorée de ce continent trop vaste. Il disparut dans le sillage
dun avion. Départ Athènes. Arrivée, après
transit, à Kinshasa. Erwan laissa de rares et fantomatiques empreintes
de son passage. Ses supérieurs regrettèrent sa bonne humeur,
sa débrouillardise, son sens de linitiative. Ses collègues
cessèrent vite de colporter des anecdotes à son sujet. Il
ne laissait pas dami, pas de possession, quelques bribes de liaisons
éphémères. Lon raconta juste à son sujet
quil prit sa décision un soir, après avoir lu le listing
des arrivées de la semaine suivante. Il démissionna, emplit
une valise et retint par téléphone un billet davion
pour Athènes. Erwan se ménagea toutefois le souffle dune
ultime pause. Assis, seul, face à la mer. Deux heures le séparaient
de son départ vers laéroport. Il dépensa son
temps à ne rien faire. Lidée lavait bien effleuré
de rentrer dans son appartement pour disperser ses objets, pour régler
certains papiers. Il la noya avec bien dautres dans létendue
calme de lAdriatique. Des mauvaises langues avides de sensations
détaillèrent après lui la liste des réservations
sans pouvoir déceler un certain couple, en provenance de Nantes,
via Athènes. Un homme, une femme, mariés. Accompagnés
dun garçon et dune fille. Des noms de famille sans
aucun rapport avec celui dErwan. Lui seul pouvait supposer un lien
en lisant les prénoms. Le prénom de la femme, celui des
deux enfants. Il ne connaissait pas celui de lhomme. Alors que son
avion décollait, Erwan repensa aux métaux laminés,
à la poussière tellement brûlante. Aux hurlements.
Il sourit en évoquant le nom de famille découvert sur le
listing. Le béton repoussait, les corps reposaient en paix. Les
morts nont pas de place dans ce monde apaisé. Il ne voulait
pas se hasarder sur léventualité dune coïncidence. |