Ariane Dreyfus / La Bouche de quelqu'un "La Bouche de quelqu'un" est paru aux éditions Tarabuste, merci à Ariane Dreyfus de nous permettre la reproduction de l'extrait ci-dessous, accompagné de la présentation de Serge Martin. |
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Ariane Dreyfus, née le octobre 1958, vit et enseigne en région parisienne. Bibliographie :
lire l'extrait ci-dessous de La
Bouche de quelqu'un en version PDF à lire aussi page préparée par Ronald Klapka
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retour remue.net
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Y a-t-il un retour de la poésie amoureuse bien
assuré par les « nouveaux lyriques » après
qu'on a eu le «retour du sujet»? L'observateur bien assis
serait alors satisfait voyant s'achever des années formalistes
que même les poètes reconnus ont ouvertes aux épanchements
du moi dès qu'il s'est agi de la disparition de la personne
aimée (Roubaud et son Quelque chose noir ou Deguy et son A ce
qui n'en finit pas). Il le serait encore plus avec une nouvelle poésie
amoureuse féminine... Cependant, l'observateur bien assis risque
de se retrouver sans chaise ! Nous avons choisi de mettre en ligne ce texte de Serge Martin parce qu'il nous semble nécessaire à la perception des meilleurs enjeux de l'écriture d'Ariane Dreyfus. Cette recension est reprise d'un récent numéro de la revue Europe (avec leur amicale autorisation). |
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L’AMOUR N’ÔTE PAS SES MAINS
A peine nous connaissons-nous que tu l’as enfoncée en moi,
soulevée dans le noir. Puis tu la regardes - c’est dehors – avant
de la lécher – c’est dedans. * La main qui écrit
est seule Mon sang coule d’abord sur tes doigts. * Ou de jalousie
je me cache la figure. Sexe vivant. Il mérite des baisers de tous les côtés. Tu trouves que je pleure trop. Tu trouves qu’on est heureux. ( Ceci n’étant qu’une phrase pour en faire deux.) Ta joue reposant sur mon sexe, c’est ton regard vers moi qui ne s’écrira jamais. La main toute nue. * Tu ne veux pas trop, et tu veux tellement longtemps. Sans
me quitter des yeux tu remontes. Je t’avais tutoyé d’un
seul coup. * J’embrasse ta bouche, tes lèvres, ta bouche, tes lèvres. Tant que tu n’es pas parti je ne ferme
pas les yeux. Tu ne pars pas sans me caresser la tête. Un moment Le oui, le tien, Pas d’enfant.
Mais nous qui commençons. * Nus. J’écris
plus fort que me souvenir.
* Chaque jour de nouvelles noisettes tombent. Je ne marche plus pareil, je m’accroupis. En réalité je n’ai
pas faim, bien sûr. Il y a quelques jours tes soupirs pendant que je caressais les bouts de tes seins, émotion pas si minuscule, très longue même. Entre tes jambes, suite du paysage, tu bandais avec patience. Je vais encore demander si c’est un poème, mais je ne demande plus si je t’aime. La langue,
tu hésites beaucoup. Les noisettes ne sont données
par personne, Tellement de mystère dès que tu acceptes. Ma récolte, pesée dans mes mains et dans ma bouche. Et ce n’est pas une récolte. Maintenant je me tais parce que tu as tellement gémi.
DÉFINITIONS à Paul Eluard Sexe : cœur du corps de ceux qui aiment. A partir d’un certain âge. Égare la mort. Espoir : sens figuré, plus léger, de « désir ». Tous deux font trembler le présent, du dedans. Les seins sont tous différents et toujours différents. Cinéma : un geste continué ensemble, c’est devenu une scène d’amour. Nous revoir en pensée. T’en parler. La musique écoutée. Le sexe : s’emploie aussi bien pour l’homme que pour la femme. Point de rencontre et universelle émotion. Les mains : en parler prendrait des heures. On les leur donne. Lèvres : plus puissantes encore. Il n’y a pas d’amant sans l’embrasser. Poils : parfois oubliés. Offrent pourtant des chemins à celles qui n’arrivent plus à partir, et restent dans les caresses. La queue : pour qu’il y ait un peu de féminin dans la façon d’en parler. Pas trop tout de même. Mon amour : jusqu’où ira-t-il ? Ce mot qui s’envole ne sait jamais s’il trouvera à se poser. Toi : là où il aime se poser, en présence ou absence. Mais transforme celle-ci. Écrire : étreindre et jamais. Remuer librement à l’intérieur. Poésie : t’écrire c’est le jour.
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