Michel Thion / Traité du silence |
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Michel Thion est
né en 1947. Après des études erratiques,
préparation assidue à l'état d'autodidacte, il exerce
différents métiers : barman, déménageur, fabricant
de bougies, agent de planning en compagnie aérienne, dessinateur
en béton armé, puis analyste informaticien durant huit ans,
professeur de judo (diplômé d'État), parallèlement étudiant éphémère
mais passionné en philosophie et en linguistique, directeur de communication,
avant de rencontrer à 33 ans le métier qui allait devenir
le sien : l'action artistique et culturelle. Dans ce cadre il expérimente
différentes fonctions : Animateur, directeur d'un festival de musiques
contemporaines, délégué départemental à la
musique, directeur de médiathèque, producteur de théâtre
musical, et enfin, directeur de théâtre. lectures prévues de "Traité du silence": Vendredi 16 janvier
2004 à 18h30
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Je dis le silence car le silence
n'est pas le silence. On fait silence comme on fait bruit, c'est un acte. Il n'y a pas de lumière qui ne soit découpée par
de l'ombre. Il n'y a pas de musique qui ne soit désignée
par du silence et qui ne se déploie dans le silence. Je suis mangeur de terre. J'invoque le silence sur les idoles. Le silence est le temps de la pensée, du retour sur soi, de l'aller
vers l'autre. Ceux qui ont peur du silence ont peur de la pensée.
Ceux-là emplissent sans cesse notre silence de leurs bruits insignifiants.
Faisons silence en nous-mêmes, et leur bruit dérisoire mourra
et la pensée joyeuse se déploiera. Seul le vide peut être rempli. Laisser du vide dans les mots et
les sons pour qu'ils soient remplis de sens et de chaleur. Je dis le silence et sa beauté. Je dis le silence et son horreur.
Car le silence est au coeur du monde et des hommes. Je dis le silence
les yeux clos car il ne peut être dit sans révérence. Le silence est furtif, vif et doux. Il est vapeur d'un monde plein de
chair et de soleil. On vous a donné la parole et vous n'en avez rien fait. Je vous
donne le silence, il fera quelque chose de vous. Avant les cataclysmes, il y a toujours un temps de silence et d'immobilité.
Comme si la nature retenait son souffle avant l'advenue du chaos. Ce
silence pourrait précéder toute parole. Au coeur du grand désert occidental, existe une ancienne cité abandonnée,
et sur une petite place à l'écart, une source qui goutte
lentement. Là, entre deux pierres de vieil ocre, sous l'ombre
fraîche, pousse la fleur appelée silence. Je convoque le silence au festin de l'homme affamé. Quand les vents du silence soufflent sur nous, ils effacent nos blessures
et donnent à nos rires le lieu de se déployer.
Au coeur du silence, la parole est un dévoilement. Je vous dis que les abysses sont en nous.
© éditions Voix d'Encre |