Ronde de nuit 04

Quatrième station. Galerie François 1er/Donjon

Cap au seuil [texte en cours d’écriture] x [André Breton] x Le quart livre François Rabelais] x Voyage autour de ma chambre [Xavier de Maistre]

Un accord difficilement imaginable àfroid entre l’allégorie politique, la description des fêtes somptueuses, le décor romain qui rend àdevenir obligatoire et l’imagination la plus inquiète éparpille jusqu’àl’infini d’horizons successifs les personnages [du château]. L’évocation des rites étranges d’une cour où la « Â guerre civile  », l’érotisme débridé  » et le vertige de l’anéantissement résuscite la sorcellerie fardée et masquée, mais terriblement réelle, des derniers empereurs romains.

Couraige enfans, dist le pilot, le courant est renfoncé. Au trinquet de gabie. Inse, inse. Aux boulingues de contremeiane. Le cable au capestan. Vire, vire, vire. La main àl’insail. Inse, inse, inse.

Si parfois un cavalier vêtu de velours bouffant traverse les forêts dons les frondaisons s’efforcent àcopier celle des parcs princiers, les baigneuses qu’y s’y promènent sont des nymphes idéale, issues de la poésie antique àtravers l’enseignement de Primatice et de Nicolo Dell’Abate.

Plante le heaulme. Tiens fort àguarant. Pare les couetz. Pare les escoutes. Pare les Bolines. Amure babord. Le heaulme soubs le vent. Casse escoute de tribord, filz de putain. (Tu es bien aise, home de bien, dist frère Ian au matelot, d’entendre nouvelles de ta mère).

La Renaissance, ennoblie par le culte de la virtu stoïcienne et pré-sadienne, et le maintien d’un appétit de savoir encyclopédique, aura su parfois transfuse, dans le vocabulaire gréco-romain àla mode, des préoccupations et des rêves que le classicisme ne se donnera d’autre tache que de réduire.

Vien du lo. Près & plain. Hault la barre. (Haulte est, respondoient les matelotz). Taille vie. Le cap au seuil. Malettes hau. Que l’on coue bonettes. Inse, inse.

*

Soit je serais un mauvais écologue.

Je dois être un mauvais écologue car je n’aime pas ce que l’écologie est en train de devenir, ce que les experts et chercheurs en font, ce que les politiques publiques font de l’environnement et ce que les gens pensent de l’écologie.

C’est-à-dire qu’au regard des canons que je perçois ou constate ou saisis, je me sens en décalage (mais le suis-je ?).

Je suis praticien de l’écologie : je pratique l’écologie àdes fins précises, d’aide àla décision politique, notamment sur les espèces protégées. Tout dans cette dernière phrase me débecte. Je suis un mauvais écologue parce que je ne m’aime pas. On pourrait dire. Je n’aime pas ce que je fais. Or j’adore ce que je fais. Donc je ne sais plus quoi penser.

[Ce chapitre] va jeter le plus grand jour sur la nature de l’homme ; c’est le prisme avec lequel on pourra analyser et décomposer les facultés de l’homme, en séparant la puissance animale des rayons purs de l’intelligence.

Il me serait impossible d’expliquer comment et pourquoi je me brà»lai les doigts aux premiers pas que je fis en commençant mon voyage, sans expliquer, dans le plus grand détail, au lecteur, mon système de l’âme et de la bête. — Cette découverte métaphysique influe tellement sur mes idées et sur mes actions, qu’il serait très difficile de comprendre ce livre, si je n’en donnais la clef au commencement.

Car il s’agit bien d’écologie.

Mais l’écologie est-elle le seul objet en lice ? Il s’agit de dire que puisqu’il y a logie, il y a donc déjàun double : un discours sur l’éco-, l’oikos, la maison, un discours sur la maison, qui se pose devant (dessus en travers de ? la maison elle-même ?

C’est que lorsque nous parlons d’écologie, lorsque nous en parlons de manière sérieuse, théorique ou critique, nous nous heurtons inlassablement àdes contraintes relevant de l’axiologie. C’est que l’écologie nous apparaît comme en net décrochage par rapport aux autres domaines de la pensée, et ce pour plusieurs raisons :

  • l’écologie travaille àla fois du côté de la science numérique et de la science textuelle, entre science formelle (dure) et science humaine (molle), entre mathesis et logos, entre science et pensée, peu importe le couple choisi, elle est de toute manière ‘des deux côtés’ ;
  • l’écologie, jamais très éloignée de la biologie (et pourtant non confondue avec elle), n’est jamais non plus très éloignée de l’anthropologie (idem) ; de fait, elle touche, de par sa composante biologique, àla nature même de l’homme, ce qui n’est jamais une position aisée du point de vue du théoricien ;
  • l’écologie, de par son aspect tautologique, nécessairement dérivé de son emprise bioanthropologique,

soit le vivant ; le vivant est ; je suis vivant donc je suis, etc.

nous déporte gentiment sur les rivages de l’être (l’ontologie) et par conséquent, àtous les risques qui y sont liés, et qui confinent àl’anthropomorphisme.

Je me suis aperçu, par diverses observations, que l’homme est composé d’une âme et d’une bête. — Ces deux êtres sont absolument distincts, mais tellement emboîtés l’un dans l’autre, ou l’un sur l’autre, qu’il faut que l’âme ait une certaine supériorité sur la bête pour être en état d’en faire la distinction.

Mon travail, faire des inventaires, consiste donc àdonner des noms àdes entités naturelles. C’est dès ce premier stade, celui du terrain, que je doute : et si je me trompais d’espèce ? On a beau se plonger et se replonger dans les flores, je vis avec de plus en plus d’effroi la nécessité du choix du nom, la distinction devient l’élection.

[Il paraît] que Platon appelait la matière l’autre. C’est fort bien ; mais j’aimerais mieux donner ce nom par excellence àla bête qui est jointe ànotre âme. C’est réellement cette substance qui est l’autre, et qui nous lutine d’une manière si étrange. On s’aperçoit bien en gros que l’homme est double ; mais c’est, dit-on, parce qu’il est composé d’une âme et d’un corps ; et l’on accuse ce corps de je ne sais combien de choses, mais bien mal àpropos assurément, puisqu’il est aussi incapable de sentir que de penser. C’est àla bête qu’il faut s’en prendre, àcet être sensible, parfaitement distinct de l’âme, véritable individu, qui a son existence séparée, ses goà»ts, ses inclinations, sa volonté, et qui n’est au-dessus des autres animaux que parce qu’il est mieux élevé et pourvu d’organes plus parfaits.

Je parle de la difficulté personnelle, intime, de devoir donner des noms, des noms au dehors, d’appeler. Cet appel est tragique : qu’animal je me déchire ; qu’humain je me sépare.

Messieurs et mesdames, soyez fiers de votre intelligence tant qu’il vous plaira ; mais défiez-vous beaucoup de l’autre, surtout quand vous êtes ensemble !

9 mai 2022
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