Jérôme Mauche, Fenêtre, porte, façade

L’expressionnisme abstrait de Jackson Pollock et, aujourd’hui, le radicalisme de Joseph Marioni, nous mettent face à la couleur, à la couleur pour elle-même, à l’univers clos et sans bords du tableau se présentant nu, frontalement, avec le projet d’une honnêteté absolue qui prive l’oeuvre de ce pouvoir référentiel qui l’encombre, et la rabat vers le connu.

Nous savons que les tableaux, comme les livres, ne forment pas les ramifications infinies d’un même fleuve, les fruits tombés d’un seul arbre, qu’ils n’ont cessé d’affranchir, depuis le Moyen-Age, la vie de la doxologie.

Certains livres, comme Fenêtre, porte et façade de Jérôme Mauche, se présentent à nous dans une lumière dont on reconnaît le caractère unique, avant de pouvoir faire fonctionner son intertextualité, ses filiations réelles ou supposées. On se trouve face à un tel livre comme face à une signature, dans l’impossibilité de faire la confusion entre ce livre et un autre, entre telle ou telle graphie, tel ou tel nom propre, face à l’actualisation d’une singularité formelle pourtant irréductible à son support biographique, voire absolument étrangère à lui. Ce n’est cependant pas l’expérience de l’altérité qui nous est proposée par ce livre de Jérôme Mauche, car nous serions alors à nouveau de plain-pied dans l’intertextualité, mais celle d’assister à une opération chirurgicale consistant à séparer le récit, en tant qu’expression d’un pouvoir organique, ou d’un savoir linguistique, du langage, compris comme flux, ou rythme, aorgique et asubjectif. Cette séparation a pour but de retirer toute la graisse qui recouvre les mots, puis de rendre la parole au récit, de laisser enfin le langage se raconter lui-même. Sans compromis, dans la fraîcheur.

La flamme s’était noyée dans le brasier, on écopa avec de la bougie dans le noir. Un papillon somnambule de l’espèce au lever du jour réintègre sa chrysalide. En dernier recours, l’ordonnance prescrit l’absorption ligne après ligne d’au moins une posologie par jour. La maçonnerie est expansive dans la bâtisse qu’on assoiffa via des travailleurs. L’instinct a été, sur cette base, tellement fignolé dans les détails qu’on risque au moindre geste de passer au travers. On dut lui arracher la couronne des deux mains pour qu’à valeur faciale équivalente elle fasse décapsuleur. J.M.


Jérôme Mauche est né en 1965. Il est actuellement organisateur du cycle de lectures de poésie contemporaine au musée Zadkine, à Paris, est également critique d’art et membre de la commission poésie du Centre National du Livre (2003-2006).

Jérôme Mauche , Fenêtre, porte et façade, Le bleu du ciel 2004



Tableau : Joseph Marioni, Red Painting, Acrylic and Linen on Stretcher 72" x 69" 1996 No. 5, Collection of Rose Art Museum, Brandeis University, Hays Acquisition Fund

27 novembre 2005
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