La douceur Emaz

Dans l’élégante collection de Jacques Josse, quatorze poèmes se suivant : sur la fin - à propos de la fin, en être à la fin. Cette fin, celle de « elle », premier mot du premier poème :

elle se détache

il n’y a plus guère à parler
on triche un peu on ment

il n’y a peut-être jamais eu
de vraie parole possible

elle : mère - on ne l’apprend qu’au dixième poème - ce pourrait être, avant qu’on apprenne cette précision, la femme, la fille ; c’est, pour la lecture entière et toute relecture, tout être proche ; toute relation en même temps fermée et proche.
Trouvera-t-on « une vraie parole possible » ?
La réponse est non :

elle se détache
cela veut dire
on reste seul

C’est dit avec douceur, avec le plus d’exactitude possible. Avec le plus d’attention possible : il y a, il y aurait donc toujours amour possible, appelé, possible. Cette attention qui fait entendre et voir :

dans la maigreur
ce n’est pas le vrai visage

quelqu’un d’autre
appelle
du fond

Mais rien ne se passe

tout est déjà colmaté
prévu

Écrire, est-ce cela : prendre tout et les convenances avec. Qu’il n’y ait pas d’écriture sans dédoublement, sans écoute, sans inconvenance ?

C’est dit avec douceur, précision : la douleur ne déborde pas, ne se jette affamée sur l’instant - ce qui est écrit peut se relire et à chaque fois l’attention peut s’exercer qui a permis de voir cela :

comme aspirée
elle griffe cherche une rampe une prise
sur le drap
pour ne pas glisser

partir
l’épaule contre la vitre
qui sépare jusqu’à ce qu’elle cède
une poussière de verre
et le rien pour dehors

L’attention au possible, même si jusqu’à la fin on s’est heurté au bouclé, au dénié, au rejeté - tout malgré tout possible dès lors qu’on voit, qu’on entend :

le rien pour dehors


Antoine Emaz sur remue.net

Le site des éditions Wigwam

Image : la "bonne énergie" d’Antoine Emaz, lecture, Tours, mai 2005 (FB).

13 mars 2006
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