Caroline Sagot Duvauroux | Le récit d’il neige


Il neige
Là-bas
Sur le récit
Est-ce la neige dessus ?

le récit d’il neige

le monde réduisait sous des nappes de langue il neigeait sur la mort d’un chien qui savait faire courrier de la clameur du monde on attendait dans la clameur la silhouette glissait du trait on frissonnait sous l’abstraction la ligne encore rompit le ciel j’allais te voir ma mie j’avais promis

La vie rompait encore l’endigue

l’apparition c’était du disparu d’averS l’imparfait c’est aussi bien futurR
du vieux non finito qui vient qui vient toujours pour que toujours nous soit contemporain cependant quE
toujours vient la mort et pourtanT
plus urgent que la mort on ne sait quoi vous arrête en chemin c’est qu’on viT
sur le chemin d’aller à mort on est distrait on viT
c’est qu’un vol vous attelle au passagE
c’est qu’on est en voyage à califourchon du trait qui se disjoint du traiT
ma grand-mère meurT d’aller à elle on me bifurque une ferveur c’est à la presque jonction d’asymptotE
sur presque je glisse à grand écarT mes talons crochent les sillons qui s’excluenT
j’écarve ! vivre ah c’est ça ! sûr qu’on tombe cul dans la fosse et ça pue les feuillées de nos motS
la main rattrape un trait s’y larde en repentirs furieuX un déclin du rouge rigole jusqu’à l’aissellE
ça chatouille on a ri mais ça fait mal aussi on lâche allez tant pis j’allais te voir ma mie j’avais promiS
on pleure dans les odeurs on n’a pas dit merci quel est mon rôle parmi les choses on se diT

un animal souffrait mourait en rue ça tue l’urgence restaient l’aguet la rue sans réserve tout avait servi tout servait l’ illisible j’avais perdu l’adresse j’étais l’idiot

Les mères se retiraient

c’est qu’on est en voyage on a vu quelque chose on voudrait s’adresseR
parle-t-on du voyage ou de l’eau c’est énigme en affût mais comment s’adresseR
c’est tout seul contempler compatir et le reflet, l’affûT
ne restent que des mots cheval ou poisson d’or qu’on vendrait pour poisson de meR
restent des mots c’est encore beau le corbeau sert pour le présagE
on s’écorche aux consonnes en refermant les poings sur égarer l’urgencE
il faut écrire mais plus crucial ah ! c’est écrire qui empêche d’écrire bon sang qu’est ce que ça se taiT
dessous l’oubli qui vous enneigE

car il neige

une douceur, il fallait s’en défaire

sortions du bois par bois qui lève dans l’élancement des cartilages sortions du balivage des idées nous courraient une chevelure un cosmos ne savaient plus se loger dans l’étroit mon Hourloupe est un chien j’ai dit mon dans sa vie houre ni le loup pas toi ne mangera dans les morts majuscules l’houre et le charivari pour moi tu ne reviendras pas

laps et relaps au retrait des mers

voici qu’on est au centre que gagne une importancE
voici sous l’urgence un géant minéral et sa marmite d’invectiveS on dit c’est paroleS
passe et vient le passé qui devient sur jadis et c’est tout ce qui passE
la vie la vielle sans mesure ravale des parois avant de venir entre clapoter puis fini c’est qu’il neigE
tout pése et la neige a saigné l’importance on s’enlisE
l’immense passé dessus la grande absence vous couvre d’un printemps prochain ça grouille ça germinE
et les tubifex vous lèchent le cul le ventre osera-t-on défier la terreuR
on ignorait la fièvre où vivaient ces vers turgescents du vieil effondremenT

300° ! mais il neige

des mères mouraient

le vent violait les promesses j’allais à l’aube sans les souliers jetés du cœur au pré tête n’entrait plus dans l’aube c’est incroyable tête roulait boulait de l’aube au marbre d’ouvrage et montait la pression d’impression n’écrasez pas la feuille un sortilège est au-dedans maman criait maman j’étais planquée fallait y aller midi bien sûr

nos mères souffraient

alors on préfère la littérature la grande morte à ce qui vient qui meurt on a peuR
on hérite de la terre qui tremble autour d’un chien qui meurtT
on ferme follement les yeux puis on les écarquille à tout fendre des nuits sur les mille chandelleS
on a perdu la conversation lumière est aux arrêts du mot manquent l’œil et la peau le soleil on ressassE

nous dessinions de petites matières aux entures

dans la neige on voyait devant le dos d’un trait ça suffisait dans la lumière la crue d’hiver j’alignais des brindilles ça bavardait dans ma cervelle avec une étrangère c’était ma mère

nous écrivions ce que celait le bourgeon nous mentions

toute la mémoire poussait le passé où maintenant bientôt passaient avec nos mères bientôt passaiT
ne que vivrait lÀ faire tout avaler par le trait lever la disparition d’un traiT
qu’on assiste l’absence main qui lève et cécité j’entends enfin des calendriers la poussièrE

j’entends la neige

Oh ta mère !

j’étais bloquée dans les congères mon chien mourait je lisais tu n’es jamais là où tu dis que tu es mais je suis où je dis maman j’entendais la clairière j’ai peur des échos d’où je dis patte cassée la neige et les petits tourments nos abandons les fêtes de volaille les fêtes l’eau la montagne toute ta vie t’en fais pas des châteaux de ta mort tu t’endors sur ce qu’on peut pour toi rien torchon coussin la paume ce qu’on peut rien ça va

Tu pleurais

les chétifs titubaient de vie la parole saoule crochait les piedS
la mort affranchissait les souvenirs domestiqueS
se fichait un morceau d’enfance près d’un membre esquinté l’enfance rappliquaiT
relaxée du témoignage des mères l’enfance forçait la langue baragouinait piaulait dedans le meuglemenT nous
n’étions pas sages et pardi pour que sagesse nous soit amante on pariaiT
n’étions pas philosophes mais amis d’amitié dans sa jeunessE
éprises oh là là nous le fûmes du frisson et d’un rhapsode errant
nous prétendions à la promesse en butant sur des fiancés nous fumées noires levées des ruptures de failleS
des fiançailleS
quel fut le nom de ta mèrE ?

j’étais au milieu d’un voyage il neigeait

Prétendions-nous à la promesse ?

j’étais chopée par un mystère maman est toute verte les rails se sont croisés se sont plantés dans la congère mêler ma mère avec les poils d’un âne mais c’est un médaillon Cadichon je m’étais revoltée dans la lumière m’étais fendu la joue dessus le fil de fer où étais-tu passée mais je saignais maman dans les congères

Ma mère m’attendait

la vie rompt pour surgiR la disparition recollait des mèreS
la jeune toute entière convoquait l’amante et la sœur auprès de la mère découpée par l’idéE
tu regardais la mère évacuer l’idée dans le tumulte des humeurs et puis se délivrer de toi je craignaiS
au tranchant de la tranche où le noir se fait blanc, dans le secret du monotypE
de son immense nom la mère se retiraiT

      tant de neige

les corbeaux m’ont crue morte ils ont mangé mes yeux le chemin s’enroulait comme au discours le fil je cherche l’autre bout du fil allo maman pas eu d’enfant ni connu de bestiaux que l’Hourloupe en le château de cartes mais c’est fini déjà les os le jardin le jasmin c’est la fin les beaux yeux noirs à l’entour pipistrelle sont entrés dans le sol et dans mon cerveau clos ce machin mes habits tombaient j’avais honte

dans un grammage une grammaire lunaire et réfractaire écanguait la ligne et le texte pour arquencieller nos deux faces d’orage et voilà tout un monde

on bradait désormais contre l’espace où tu, dans le refus des transcendancesS
on rapprochait des déchets de pallier dans du séparé de languE
le dessin durait l’impressioN on habitait loin des présenceS
on trafiquait du quotidien on suait du revers de surfacE on s’effrayaiT
on citait l’absence on convoquait l’envers la suéE
il fallait vivre au péril de l’espacE avant la fenaison récolter ses lointainS
dans l’humble perception c’était toute une histoirE
la présence illocalisable au large du passé du futur la pelure l’imagE le présent monotypait le tempS

on s’est tout dit le temps s’est décousu de langue dans tes yeux cerclés de houri tout aujourd’hui toute la terre avec sol et broussaille avec dessous le sol constatent ma présence intempestive et l’accepte La barque aux outils touche au vif et c’est quoi non pas ça pas grand-chose en cale et ça pèse une meute

puis le monde a fini de s’intéresser à moi

le temps fait du bruit dans l’huis d’engouffre au pas du jouR
on entend tandis qu’on retourne feuil et la précaution le temps dessous le feulementT
ça écharpe le monde ce feulement foule la plainte aux confinS
on dissimule désormais dans la précaution ça refoule la terre aux confinS
ce mort corps tout entier qui se secoue de nouS
sommes tombées de la levée du corps dans du définitif en morceaux c’est nous le bruit dans le trou d’à côtÉ

le jour aussi se perd

Au point du blanc du point du noir où s’écrit sans le jour sans la nuit l’attrait des mots pour le retrait des mers la petite bête infiniment gracieuse tournait encore les yeux et la tête bravo si loin déjà dans les parages

dans l’épaisseur du grand chiffon

alors l’oiseau ce n’est pas rien l’oiseau noir quand le trait disparaîT
puis on dit neige et tout s’en va dans disparaîtrE
une couleur un champ le monde s’est réduit tandis qu’on brûle puis le froid brûlE
mais c’est du vide pour que froid et feu gagnent ensemblE
quand les mères dédomestiquées mains d’amantes et les pieds ouvriers dérivent sur la pensée du mondE
dans l’apocalypse de nos écorchures la charogne déprivatisE
terre nous conjugue à l’imparfait de quiconque et de tout temps tes braS
repliés pour cacher ton visage ce sont des ailes qui me coupent les braS
l’oiseau n’en avait plus besoin dans la nasse du peintre et son nom dans mon bec les contienT

la neige ah c’est autre chose elle est tapie dans la feuillure

ensuite on se fourvoie dans la délicatesse d’un participe qui passe et repassera seul au bois joli cet été

il neige sur encore en corbeau du rempart

l’espace outrepasse quand désormais franchiT
donne le là ! dessine ! pendant que le mot charge aussi comme un trait par un trait le dangeR
le trait blanc l’a noir là ! pas de transparence au paradoxe, un foulagE
si tu presses le mot fait son enfant dans le doS
c’est dedans par affront d’opaque que le monotype livre et réfute ses évidenceS
fin du réciT

           il neige sur le commencement

le temps des mères finit avant les mères quand on n’a pour enfant que l’enfancE

Le genou se brise et voilà qu’il devient sœurette pourquoi ce genou rompt-il encore la jambe s’il ne plie plus ? et ces cuisses nues sur ma tête ma fille range-les nous ne sommes pas les derniers à parler les âges sont confus les états se bousculent y a qu’à voir les dessins ! merci qui ? merci mon chien

les filles n’ont pas de passé où rêver de rentrer elles sont sorties c’est pour toujourS
planquent l’attaque pour tenir jusqu’à la finalE
et faire la vague encore et chuter de finale petit bateau maman les jambes et s’il n’en avait paS
planquent l’alerte dans l’alarme et l’attaque au rebours pour réfuter la loi du genrE
le muet infiltre l’arène prend le vent recule en lice pour l’élan de rompre l’attaque ET
laisser le champ libre à viens mon bel amant retourner le chant librE on respirE

il neige sur encore      il neige sur alors       puis il neige encore      alors neige comme il neige

on se figure l’éblouissement d’abstraction avant rouler dans ce qui restE qu’est ce qui restE ?
un livre avec de beaux dessins pour franchir ce qui restE une rusE ?
l’espoir fou que sauvera de honte, la reddition le livrE qu’est ce qui restE ?
tout ! ce qui reste s’était massé dans l’épaisseur du papier fiN touT ?
le reste et ça n’est pas du temps tenait au chant du papieR même le morT ?
même le mort le temps du port d’un bord à l’autre borD qu’est ce qui restE ?
un bricolage de langues vocatives et de dessins dans un grammagE mais dehorS ?
le charroi pour tombeau se dit l’ami, mais qu’une précaution musicale ébauche sur la glèbE avec nouS ?
jusqu’au monstre d’une chose pongouée qui se modèle et nous renoue pas se souvienT qu’est ce qui restE ?
glaise encore empoignéE chose à confieR ?

            je crois qu’il neige

seuil seul en deuil du paradoxe
             mon dieu qu’il neige

On shoote une misère puis on y va s’il faut

raconter les chevaux l’un blanc l’un noir et que ce fut un soiR
deux femmes chevauchant, que l’une était âgéE
et dit se retournant je suis trop vieille femme pour être de ce tempS
reste encore un momenT
que l’autre la plus jeunE
la vit franchir le mur et tomba dans le jour et le mur sur son doS

Dire

icI
cieL
baS
j’imaginE
qu’il neige toI
sur le seuiL
où j’attendS
j’imaginE


Dossier Caroline Sagot Duvauroux.

Consulter aussi Perdre l’écrit, site en perpétuelle transformation, évolution, modification, avec des travaux de Pierre-Yves Freund, Olivier Nouveau et Caroline Sagot Duvauroux.

16 septembre 2006
T T+