Frédéric-Yves Jeannet, rencontre

Esquisse d’une rencontre future

(en hommage au sous-titre de la lumière naturelle paru chez Galilée en 2002)

De Fédéric-Yves Jeannet, on se souvient d’abord du premier livre dévoré Charité, grand livre des coutures littéraires, des voix qui se croisent en leur point de rupture.

« Les raccords qui suturent ces anciens manuscrits aiguisent mon vertige. Je reprends ici une fois encore ce passage. J’ai tenté, dans une version précédente, de rendre les coutures invisibles, de sorte que toutes les strates et jusqu’aux moindres traces et empreintes déposées au fil du temps sur le papier y devinssent pour ainsi dire contemporaines, mais j’ai échoué. Il faut accepter que le présent n’est pas immobile, accentuer la description du passage du temps, faire apparaître dans ces pages le flux temporel qui gouverne l’écriture comme la vie. » (F-Y Jeannet, Charité, Flammarion, 2000, p. 213).

Dialogues invisibles avec le temps présent qui n’en finit pas, écho benjaminien peut-être, et rencontre insolite et rare quelques années plus tard avec une ville, et les photographies new-yorkaises de Philippe Dollo. Au tremblement nocturne des silhouettes apparaissantes et fragiles, Jeannet ouvre le livre L’île Dollo (Léo Scheer, 2005) par ces mots :

« On pourrait commencer là. Entrer ainsi dans le vif. Cela pourrait être un autre monde, clignotante plateforme sidérale ouverte sur la nuit. Des ombres fatiguées se sont assises, d’autres plus jeunes s’agitent dans la lumière du supermarché, la nuit, la neige. » (p. 9)

Et cette photographies de(s) deux tours écrasées par la nuit de juillet :

« Les deux tours qu’on distinguait au fond du paysage sur les photos de
juillet l’an dernier semblent déjà fantomatiques dans la brume de leur distance. Il ne reste aujourd’hui que l’immense trou, deux dents qui manquent dans un sourire, la bouche ouverte de ce skyline. » (p. 43).

Et dans ce livre ancien, ces mots qui résonnent comme pour comprendre leur indécidable qui se développe sans jamais rien envelopper des phrases, en laissant toujours ouverte la blessure du langage :

« tout ici est fragment, et n’existe par rapport à aucun tout. Rien n’aura été dit lorsque l’ensemble des fragments sera constitué. » Si loin de nulle part, Le Castor Astral, 2002 (première parution 1985), p. 33.

L’œuvre est aussi rare que le bonhomme. Il ne faudra donc pas le rater lundi 23 octobre à 19h30 à la Maison des écrivains pour une rencontre animée par Bertrand Leclair

A lire également sur Inventaire-Invention Voyager léger de FY Jeannet ou la lecture de Charité par Jérome Game.

20 octobre 2006
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