Pesanteur d’un présent sans brèches

labase.cop.M.auffret

Pesanteur d’un présent sans brèches

Ces mots en titre de cette lettre, sortis d’un texte déboulé, par surprise, à remue.net, une surprise de celles qui font qu’on sait, encore, toujours, que ça vaut le coup tout ça, c’est le moins de le dire, que ça se tient, nous tient quand autour casse et brise.

Pesanteur des nouvelles plombantes : Edouard Levé n’est plus. Saluons ici sa mémoire et ses livres, qui demeurent.
Le CIPM va mal, il semble que quelque autorité ait mieux à faire, et faire valoir, qu’un fonds extraordinairement dense de (toute la) poésie contemporaine. Bougeons-nous pour signer cette pétition, pour éviter qu’on nous bouche encore une autre brèche.


« ici pesanteur d’un présent sans brèches / ici »
en même temps que recherche d’
« un point d’appui qui serait un principe d’incertitude »

En collision ou presque, ou pas, en addition avec contrastes, ces deux citations issues dedeux bonnes nouvelles récemment arrivées,

le livre de Xavier Person au Bleu du ciel :
« Il faut accepter un point d’appui qui serait un principe d’incertitude, un point flexible qui ne proposerait aucune convergence de sens mais seulement un espace (instable) de divergences ». Sébastien Rongier à propos de « Propositions d’activités »,

et ce texte suscité, d’Armand Dupuy, sorti de nulle part (enfin de Lyon qui n’est pas nulle part), arrivé par mail à la rédaction, un texte en forme, un texte-un espace, tranchant, vif.
« ici pesanteur d’un présent sans brèches / ici // » (Armand Dupuy, « Dehors/Hors de/Horde »)


un Ici qui se propage dans la revue remue :

« L’exercice de repérage dans le temps et dans l’espace de ce qui traverse si vite le champ mental qu’on n’en perçoit jamais que des traces, odeurs de neige et de décomposition, sensations d’os et de pierres, de chairs enfouisseuses, de pelages, de végétal qui prend racine », souligne Dominique Dussidour à propos de Grande Ourse de Romain Verger, phrase que, déplaçant, on pourrait reprendre et faire causer de ce qu’il y a à entendre d’une lecture de Dominique Quelen, de son obscur ouvert,
Quelen – un des participants à la première de ces deux soirées remue.net à l’occasion de Lire en fête, à l’invitation de la Scène du balcon.
Vendredi et dimanche, deux occasions d’entendre et voir, d’alterner, d’ouvrir, de déplier remue.net, en des sets plus longs que ceux de la nuit remue.net ;
Vendredi :conférence inaugurale du/ à propos du Général Instin, brèches ouvertes dans l’espace présent avec Pedro Kadivar, trituration de l’insupportable (une photo d’Abou Ghraib) de la voix experte de Claudine Galea ; puis l’oscillant Jacques Serena lut un peu du « néflier » dont Chantal Anglade rend compte ici ; Quelen propulseur de réels, donc ; et pour finir le duo d’expérimentateurs sonores Fred Griot/Yann Féry, se tenant en ces confins qu’on aime.
Dimanche : quatre voix de femmes irréductibles à ce statut-là mais également portées par lui, quatre voix, quatre souffles : Hélène Sanguinetti ; Caroline Sagot Duvauroux ; Claude Favre ; Gwenaëlle Stubbe, dans le charmant centre Cerise, rue Montorgueil.


On vous rappelle les deux prochains rendez-vous avec l’équipe de remue :
 notre assemblée générale, le samedi 1er décembre à la bibliothèque de Montreuil, précédée d’une rencontre avec le public de la bibliothèque.
 le vendredi 14 décembre, dans le cadre de la résidence organisée par la Scène du balcon, remue.net mis à nu par ses auteurs, une rencontre avec l’équipe de rédaction du site et quelques lectures


le présent sans brèche, il revient.
Au sens littéral, le réel qui se précipite et vous expulse hors de vous, mais où puisque pas de brêche – si, pour seule brèche, une fenêtre et ses conséquences - c’est, tout le sens de la chronique de Yun-Sun Limet, récemment inaugurée.

Mais c’est aussi l’Irak et sa tragédie infiniment renouvelée par une Histoire aussi perverse qu’imaginative, et la force de résistance que l’exilé Salah Amdani trouve et jette dans sa poésie, commentée par Jean-Marie Barnaud
Mais c’est encore « Murale », hymne à la vie de Mahmoud Darwich, à la Maison de la poésie de Paris ce mois-ci, joué jusqu’au 11 novembre.

Que le réel en ses multiples, joies mais aussi terreurs, fasse haute littérature, remue.net le sait aussi par la présence et les interventions aussi, surtout, de Philippe Rahmy (lire à ,propos de son passage aux Mots de Minuit et surtout de son livre « Demeure le corps »,
cette chronique « inapte à vouloir rendre ce que ses mots bouleversants lui permettent de survivance ».
Rahmy vivant ô combien qui ne cesse de lire /écrire /rebondir sur remue, pour un peu il s’en excuserait, quand on en attend toujours (à mesure de ce qu’on y reçoit, dans ses chroniques de livres récents ou pas, Jérôme Mauche, Cécile Mainardi, Choi Seung-Ho, ou Ernst Cassirer
d’autres, de ces passations d’insatiable soif. On vous les signale en rafale, lisez-les donc en rafale, elles sont de nerf et d’émotion, elles valent poème, assurément.
Et nous rappellent, dans le lien qu’elles établissent, « que lire n’est pas remplir un espace temps - une distraction - mais cette possibilité d’une conversation avec d’autres. D’être plusieurs à penser dans un seul corps », Fabienne Swiatly à propos de Arno Calleja et Albane Gellé

Elles font brèche.
Perforent, guident ce mouvement paradoxe, « ce pur mouvement incompris dans l’ouverture humide de l’œil qui voit, qui voit ce qu’il ne peut saisir et qui, saisissant qu’il ne saisit pas, regarde, regarde sans fin » (Catherine Pomparat), cet aller-avant, aller encore, même titubant même à demi assommé on continue,
on y retourne,
on y va.

Ensemble.

22 octobre 2007
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