Depuis que son train avait passé…

Depuis que son train avait passé les faubourgs et les fumées de Charleville, il semblait àl’aspirant Grange que la laideur du monde se dissipait : il s’aperçut qu’il n’y avait plus en vue qu’une seule maison. Le train, qui suivait la rivière lente, s’était enfoncé d’abord entre de médiocres épaulements de collines couverts de fougères et d’ajoncs. Puis, àchaque coude de la rivière, la vallée s’était creusée, pendant que le ferraillement du train dans la solitude rebondissait contre les falaises, et qu’un vent cru, déjàcoupant dans la fin d’après-midi d’automne, lui lavait le visage quand il passait la tête par la portière.

Julien Gracq, Un balcon en forêt, éditions José Corti, 1958.

23 décembre 2007
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