Un oiseau compliqué

Poèmes d’Olivier Bourdelier chez Tarabuste.


Peu d’éclats, peu de mots. Mais assez, tout de même, pour poser le poème et le maintenir en équilibre. Les doutes, les inquiétudes, les oublis de celui qui va avec à la « bouche le mauvais pli des mauvais jours » s’écrivent en filigrane. Ils sont presque cachés dans le texte. Dissimulés sous le drap que l’on tire sur sa tête. Pour ne plus voir, ne plus entendre et, si possible, rêver. Ce sera au lecteur d’effectuer les repérages. De trouver des liens. Ou, à défaut, de les inventer. C’est d’ailleurs souvent ainsi qu’avance Olivier Bourdelier. Ses poèmes ramassés, jalonnés de pointillés (« méchant poète qui va pas / jusqu’au bout ») contiennent des ouvertures, des interstices par où, simplement, s’immiscer dans cet univers. On se souvient de l’un de ses premiers livres, Eugène les monstres (Ed. Tarabuste, 1998), où il disait, en un clin d’œil, y compris dans le titre, combien Guillevic importait pour lui. Par sa brièveté, son rapport à l’évidence et sa façon (précaire) d’aller à l’essentiel, sans digression. Une façon (la logique des pépites isolées puis polies) de se colleter avec le peu et le nécessaire que l’on retrouve également dans ce nouvel ensemble.

« Mon père avait la main sure
pour attraper dans son nid
l’essaim des frelons

le feu sait manger ça

alors les soirs d’été
se déployaient sans menace. »

Un oiseau compliqué est composé de deux parties qui, en fin de compte, s’assemblent on ne peut mieux. La première, qui reprend le titre générique, est une suite de poèmes brefs où l’oiseau en question s’avère être bien plus qu’un volatile.

« La vie est
compliquée douloureuse et

la vie est
un oiseau qui chante dans le jardin

un oiseau douloureux compliqué. »

Un drôle d’oiseau qui a aussi à voir avec l’homme et qui n’est pas toujours facile à comprendre. Olivier Bourdelier, par petites touches, se référant à bien d’autres animaux, s’y essaie et réussit.

Le second versant, intitulé « Poème des millions de morts et moi », regroupe des séquences en proses, chacune d’elles, très courtes, incluant un moment précis de la vie de l’auteur et un fait lié à l’histoire tragique ayant eu lieu dans tel ou tel pays du monde (Liban, Salvador, Chili, Soudan…etc).

« Je défais les cartons étale vis et chevilles – déplie les notices peins des plafonds – fais livrer du fuel pour la chaudière.

À quatorze douze dix ans les petits soldats du Soudan tuent et meurent comme des grands. »

Ou encore :

« La cour est aux poules le pré derrière à la vache – le ciel est dans le cerisier.

Camions de riz bloqués aux frontières – les mouches sucent les paupières des enfants du Biafra. »

Séquences âpres, douloureuses, réalistes. Déroulant des épisodes de la vie d’Olivier Bourdelier, (entre 1966 – que l’on devine être son année de naissance – et 2000) et, suivant la même chronologie, l’histoire sanglante qui sans cesse et sans frontières se répète en Barbarie. Brisures implacables que l’on peut, après coup, relier aux tourments, aux questions, aux doutes et aux éclairs de lucidité qui traversent l’itinéraire de l’oiseau compliqué du début du livre.


Olivier Bourdelier : Un oiseau compliqué, éditions Tarabuste (rue du Fort – 36170 Saint-Benoît-du-Sault.)

24 janvier 2009
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