Dorothée Volut, Alphabet

Vient de paraître – C’est Dorothée Volut.
Qui vient de – d’apparaître.
Pas le livre « Alphabet », qui lui date d’ il y a déjà quelques mois, mais des fois c’est ce qu’il faut, des mois, pour que le hasard -qui n’existe pas- s’en mêle et nous mène. Vers ce court livre, vers cette jeune auteure.
« Alphabet », Un livre court et qui beaucoup se tait :

ON NE BOUGE PAS, ON EST MORT, ON EST BIEN, ON EST PARFAIT. LE COUTEAU, IL EST BIEN PLANTE, ON EST BIEN, ON NE BOUGE PLUS. L’ASSASSIN IL EST PARFAIT, ON N’AURAIT PAS PU FAIRE MIEUX NI PLANTER PLUS, NOUS ON NE BOUGE PLUS. L’ASSASSIN EST BIEN TOMBE, IL A BIEN FAIT, IL EST PARFAIT, C’EST BIEN COMME ÇA. OUI ! BRAVO LES MORTS, VOUS ETES BIEN COIFFES. BRAVO BRAVO BRAVO ! GERBAMOUR, GERBAMORT, BOIVEZ A NOTRE SANTE ! VEILLEZ-VOUS MOI, CAR VOUS N’ETES PAS INTOUCHABLES, MORTSMORTS ! ET SI VOUS N’ETES PAS SAGES, JE VOUS PRENDRAI EN PHOTO.


Qui se tait en majuscule ; en vingt-deux courts textes majuscules (pour vingt-huit pages : le jeu du titre n’est donc pas là, sauf si l’alphabet de Volut s’avèrait plus, ou moins, fourni que le notre – c’est aussi une possibilité). Dorothée Volut passe en revue des verbes, on se dit c’est le principe, verbes d’action passés chacun son tour au crible, étendre, étirer, maintenir, toucher, brûler, regarder, les verbes d’action revus figés, manière de geler son regard sur le monde. Mais soudainement ça bouge, alors c’est non pas du gel, ou alors, du gel qui bouge, qui s’agite tel des feuilles d’arbres

L’ARBRE, SON ECORCE, SES BRANCHES, SES FEUILLES. SA RAMIFICATION, L’ECART ENTRE CHAQUE BRANCHE, LA SEPARATION DE CHAQUE FEUILLE. L’AIR ENTRE LES BRANCHES ET LES FEUILLES. TOUS LES ECARTELEMENTS A LA NAISSANCE DE CHAQUE NOUVEAU MEMBRE ECARTE. TOUTES LES JAMBES DE BOIS S’ELEVANT VERS LE CIEL, NAISSANT EN SE DEDOUBLANT ECARTEES OUVERTES VERS LE CIEL. TOUS LES BRAS DE BOIS S’ECARTANT VERS LE CIEL POUR DONNER NAISSANCE A DE NOUVEAUX MEMBRES, BRAS OU JAMBES, A L’ENDROIT OU L’ENVERS, DRESSES HAUT DANS LE CIEL.

Vers le ciel, et, on l’a compris, pas droit levé vers le ciel mais en rhizomes, en fractales, une écriture en bourgeons (et ce n’est pas une métaphore de la jeunesse, on y viendra), qui croît de ses divergences, qui avance, qui douce nous vrille, opaque et découverte. Un mystère, comme font comme sont les découvertes ; le court livre m’a fait l’effet (il y a une raison physique, aussi, toujours, une manière de gris, une manière de rouge, une manière de couverture cartonnée) que me firent certaines pépites de chez Grands Fonds, collection menée par Jean-Marie Barnaud chez Cheyne : Hélène Lanscotte, Philippe Longchamp, Isabelle Pinçon, entre autres. Mais il y a aussi de l’extrême distance à regarder la chaleur et les flux, géographies de nos intérieurs, mesures hyper précises faites par des doigts dans l’espace vers le loin ; et l’on repense encore plus fort à deux merveilles trop méconnues, intitulées "Congélations décongélations et autres traitements appliqués aux circonstances" et "Mes vetements ne sont pas des draps de lit", deux premiers livres d’Emmanuelle Pireyre, parus il y a quelques années déjà chez Maurice Nadeau. Car comme chez Pireyre il y a du Tournesol, là-dedans, la fleur et le professeur : une fantaisie extrêmement sérieuse, en même temps qu’aspirant à sourire au soleil. A sourire de soleil.

DESORMAIS CE NE SONT PLUS LES MOTS QUI VIENDRONT, CE SONT LES QUINTES, LES QUARTES, LES SIXTES, LES TIERCES, CE SONT LES INTERVALLES. A L’HEURE QU’IL EST J’ARPENTE CE QUE JE SUIS, L’ELAN SE DEFINIT HORIZONTALEMENT EN TRAÇANT DROIT DEVANT. CHEMIN FAISANT ON SUIT DES POINTS DE SOI, ET QUAND JE DIS « ECRIRE DEVANT DES FOSSILES », CE N’EST PAS UNE IMAGE.

Dorothée Volut est une jeune auteure (née en 1973 : jeune donc, comme on dit, voilà c’est dit on y est venu), dont on a pu trouver traces nettes ici et là, qu’on peut également écouter lire sur le site du CIPM. Ce livre a paru chez Eric Pesty éditeur.

28 mars 2009
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