Portrait du père en travers du temps

Poèmes de James Sacré àLa Dragonne.


Son père mort n’en continue pas moins de cheminer àses côtés. Pas en permanence bien sà»r, mais de temps àautre, venant àl’improviste habiter sa mémoire. Cela se passe dans « des moments de vie  » particuliers. D’infimes réseaux, on ne sait d’où venus, se mettent àvibrer et inventent d’invisibles passerelles entre celui qui s’en est allé et celui qui reste. Ces moments-là, que nous avons tous, un jour ou l’autre, ressentis, James Sacré aime les noter ou s’en rappeler. Il les situe au fil des lieux où ils surviennent. Cela peut être en Vendée, au Maroc ou aux Etats-Unis. Peu importe, àchaque fois, il est le récepteur unique et attentif de ce qui advient.

"Souvent je n’écris pas
Les quelques mots qu’un moment de la vie
(La couleur bleue par exemple de la bouillie bordelaise)
A semblé me donner pour que je pense àmon père.
Je laisse le temps et les choses s’en aller."

Ces fragments, ces séquences bougent et s’immiscent peu àpeu dans des poèmes qui n’étaient peut-être pas, àl’origine, destinés àprendre place dans un même livre mais qui, néanmoins, par la force des choses, et l’élément moteur qui les guide, se trouvent, « en travers du temps  », devoir bel et bien former bloc.

Ces poèmes qui esquissent le portrait du père ont été écrits entre 2001 et 2007. Si la première année, celle du décès, s’avère la plus fournie, les autres viennent préciser, par un détail vestimentaire, un silence prolongé, un timbre de voix, l’utilisation du patois, la présence discrète de l’homme au quotidien.

"Il me reste de son corps
La couperose des joues, l’œil
Comme une question dure,
Son allure àla fin mal balancée."

Paysages et territoires d’enfance se glissent dans ces poèmes nés ici et là, dans un restaurant d’Azila ou dans le cimetière de Saint-Benoît-du-Sault, au bord d’une route en Bretagne ou dans un endroit isolé d’Arizona, au gré de nombreuses escales et escapades et dans lesquels on retrouve la simplicité, la nonchalance, ce style mi-parlé, mi-écrit qu’ utilise James Sacré et qui est peu àpeu devenu sa langue, celle qu’il ne cesse de façonner.

Le père, souvent présent dans l’œuvre de Sacré, l’est ici plus que de coutume. Plusieurs indices, distillés avec parcimonie, aident àsuivre la sinuosité de son parcours.

"J’ai pensé àmon père
Sans trop savoir pourquoi, peut-être simplement
Parce qu’il m’est venu cette idée qu’il a somme toute pas mal voyagé
À cause d’un emploi qu’il a eu, chez le vicomte de Chabot, àLa Roussière,
À cause aussi de la guerre, oui je pense
À tout ce qu’il a vu et que je ne connais pas, ce qu’il a vu
Avant de revenir dans sa ferme du bord de la Vendée pour y rester."

L’ouvrage est conçu comme un livre àquatre mains. A celles du poète répondent celles du peintre Djamel Meskache (par ailleurs éditeur chez Tarabuste). Cinq de ses lithographies couleur y sont reproduites.


James Sacré : Portrait du père en travers du temps, Lithographies de Djamel Meskache, éditions La Dragonne.

16 août 2009
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