Carte blanche, lianes, commencement

Carte blanche, lianes, commencement

Appelé àrésider pensivement-physiquement, àapporter ma pierre aux Trois Ecoles, je réponds àl’appel. À entrer aux EMA, Conservatoire Singulier Pluriel, je vois un lien profond entre ce lieu triple (sonore, plastique, danseur) et la carte blanche qui m’est offerte. Une carte blanche fait résonner les possibles. Vêtue de probité candide et de lin ... blanc ? Sortie de « Booz endormi  » ? Non. La carte dont je m’habille pour le printemps est àfaire, dessiner, un territoire vierge ; l’œil visiteur, l’œil élève, qui écoute en apprenant et arpentant, équipé, sent que le Conservatoire sauve un essentiel futur ; il ne garde pas seulement des possibles passés les leçons traditionnelles que la chute du cours de l’expérience a affectées. Le Conservatoire ne conserve pas ; il préserve la puissance de la cartographie en chacun. Chaque enfant, chaque grandissant, les grands commençants intacts que sont aussi les enseignants-artistes, abritent un Å“il neuf, l’organe intact qui s’est posé sur les pages de Stevenson ; il a vu le trésor sur les inscriptions, les lettres de noir et de blanc. Car voir, c’est lire, graver, façonner les pages communes et déclinées, les pages de la singularité difficile au monde partagé : les pages de la découverte dans le temps. L’agrément donne un sens àl’âpre vérité, au miroir promené le long du chemin, que Stendhal conjuguait avec la promesse du bonheur. L’espace préservé, l’apaisante spaciosité des EMA de Vitry, frappe l’étranger visiteur, l’élève étranger et inquiet que je deviens en résidant ou travaillant ici, comme je l’ai fait l’année passé, invité dans la classe du compositeur Philippe Mion (où figuraient certains enseignants, dont Nicole Piazzon). Il faut encore une vision triple, ou un triple foyer pour voir les possibles suggérés par Elisabeth Milon, Fabrice Domenet et Javier Gonzalez Novales, leurs équipes. Nul blanc seing au bas de la carte. Je dois cartographier ma présence, créer abscisses et ordonnées, entendre la dictée rêvée de chacun. L’impossible même, roi barbare cadastrant l’île au trésor et sentant la force réservée des lianes musaïques : le futur d’un lieu habité, la communauté des compas, l’enfance de l’art.

Philippe Beck

18 mars 2011
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