« Et voilà que je rencontrai Robert Desnos… »

« Et voilà que ça recommence. Je suis à nouveau habitée. Et à nouveau par un poète, moi qui n’ai jamais écrit de vers. Cette fois par un Français, un homme que j’ai connu et fréquenté de 1938 à janvier 1944, pendant ses dernières années de liberté. Il fut en effet arrêté le mois suivant et n’est jamais revenu.
Il avait été l’un des constructeurs, des inventeurs du surréalisme, cette révolution du langage, de la poésie, ce bouleversement de l’écriture, de la pensée, cette destruction qui était née des anéantissements de la Première Guerre mondiale, du jaillissement forcené de la vie à travers des millions de morts et les ruines, les révolutions, les changements de frontières de ces années 20. Ma génération, celle de l’entre-deux-guerres, trouvait déjà faite la révolution surréaliste du langage et de l’art. Beaucoup de ses œuvres étaient déjà imprimées, ses scandales déjà passés. Déjà nous entrions dans les années grises, avec une crise économique venue d’Amérique et la menace de guerre venant d’Allemagne. Presque tous les bâtisseurs du surréel étaient vivants mais, alors qu’après 1945 j’en connaîtrais beaucoup, j’avais alors à peine aperçu l’un ou l’autre. Et voilà que je rencontrai Robert Desnos. »

 

Dominique Desanti a écrit Robert Desnos, le roman d’une vie en 1999. Quelques années plus tard elle participa au rassemblement contre la vente de la collection André Breton organisé par remue.net devant l’Hôtel Drouot.

Elle a écrit les biographies de Flora Tristan, Pierre Drieu la Rochelle, Sonia Delaunay, Marina Tsvetaeva. Des romans dont Le Chemin du père durant les années 80 où elle enseignait à Jussieu dans l’UER d’ethnologie-anthropologie de Robert Jaulin - et voilà que je rencontrai Dominique Desanti, et c’était une chance d’être de ses étudiantes.

Elle a consacré un essai à Vladimir Nabokov en 1994. Dans Les Staliniens, une expérience politique (1944-1956), elle raconte son engagement dans le parti communiste puis son désengagement après Budapest. En 1997, elle intitulait ses mémoires Ce que le siècle m’a dit. L’université de Dalhousie à Halifax, Nouvelle-Écosse, avait fait paraître au printemps 2001 Dominique Desanti : Un hommage, ensemble de textes réunis par Mary Lawrence Test, Myrna Bell Rochester, Catherine Portuges et Patricia Di Méo, anciennes étudiantes de l’université d’UCLA, Los Angeles, où elle donnait, en mai 1968, un cours sur le roman de l’entre-deux-guerres et un séminaire sur Simone de Beauvoir.

En 2001 avait paru La liberté nous aime encore, des entretiens croisés avec son mari le philosophe Jean-Toussaint Desanti disparu en 2002.
Elle-même aura disparu le 8 avril 2011.
Elle aimait les représentations de chats.
Nous nous amusions de l’homonymie de nos initiales.
DD

18 avril 2011
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