Rosanna Warren | Mediterranean

Mediterranean

de Rosanna Warren, traduction Aude Pivin.
Ce poème qui a reçu le Pushcart Prize, a été publié dans l’anthologie Pushcart en 2006, et en France dans la revue Dans la Lune, janvier 2011



‐‐when she disappeared on the path ahead of me
I leaned against a twisted oak, all I saw was evening light where she had been :

gold dust light, where a moment before
and thirty‐eight years before that

my substantial mother strode before me in straw hat, bathing suit, and loose flapping
[shirt,
every summer afternoon, her knapsack light across her back,

her step, in sandals, firm on the stony path
as we returned from the beach

and I mulled small rebellions and observed the dwarfish cork trees
with their pocky bark, the wind‐wrestled oaks with arms akimbo,

while shafts of sea‐light stabbed down between the trunks.
There was something I wanted to say, at the age of twelve,

some question she hadn’t answered,
and yesterday, so clearly seeing her pace before me

it rose again to the tip of my tongue, and the mystery was
not that she walked there, ten years after her death,

but that she vanished, and let twilight take her place—


Méditerranée

Traduction d’Aude Pivin


– quand elle disparut sur le chemin devant moi,
je m’appuyai contre un chêne tordu, tout ce que je vis fut la lumière du soir où elle
[avait été :

une lumière de poussière et d’or où un instant avant
et trente-huit ans plus tôt,

ma mère bien en chair allait devant moi, chapeau de paille, maillot de bain et chemise
[flottante dans le vent,
tous les après-midi d’été, un sac en toile sur le dos,

elle marchait en sandales d’un pas ferme sur le chemin de pierres
en remontant de la plage,

et moi derrière qui ruminais mes petites rébellions en observant les chênes-lièges
[nains,
leur écorce pleine de pustules à côté des gros chênes noués par le vent

tandis que des javelots de lumière jaillissaient de la mer et s’abattaient entre les
[troncs.
J’avais quelque chose à dire, à douze ans

une question à laquelle elle n’avait pas répondu,
et hier, en la voyant marcher avec une telle clarté devant moi

il revint soudain, le mot sur le bout de la langue ; et ce qui fut mystérieux
n’était pas sa présence, là, dix ans après sa mort,

mais qu’elle s’évanouisse brusquement, laissant le crépuscule prendre sa place –


Rosanna Warren est un poète américain dont l’œuvre est largement reconnue aux Etats-Unis mais encore inédite en France. Elle est née dans le Connecticut en 1953. Elle a publié cinq recueils de poèmes aux États-Unis pour lesquels elle a reçu de nombreux prix. Le dernier, Ghost in a Red Hat, vient de paraître en mars 2011. Ce poème, Fantôme au chapeau rouge, qui donne son titre au recueil, évoque la France qu’elle connaît bien pour y avoir vécu dans sa jeunesse. Plusieurs de ses poèmes illustrent diversement ce lien très fort avec qu’elle entretient avec la Provence notamment, et surtout avec la poésie française. Elle vit à Boston et enseigne la littérature à l’université de Boston.
Des poèmes, traduits par Aude Pivin, ont paru dans des revues françaises : Pleine Marge n° 39, juin 2004 ; Jardins n°1, décembre 2009 ; Poezibao , novembre 2010 ; Dans la Lune, janvier 2011 ;
Rehauts n° 27, printemps 2011 ; Conférence, automne 2011.

Rosanna Warren, traduite par Aude Pivin, sur remue.net
Aude Pivin sur remue.net

11 juillet 2011
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