Nouvelles pas fameuses de l’édition

François Bon alertait il y a quelques jours de la menace de licenciement concernant Yves Douet, le fondateur des éditions du Passeur et le responsable du Cecofop.

Nous transmettons aujourd’hui cet appel des éditions Virgile


LES EDITIONS VIRGILE SONT EN DANGER

Virgile est un éditeur de littérature qui réunit dans son catalogue des écrivains de référence et des jeunes créateurs. Il appartient à cette toile fragile d’éditeurs qui font exister la création contemporaine. Fragiles, parce que d’une grande exigence littéraire, parce qu’indépendantes, les Editions Virgile sont aujourd’hui poursuivies en justice suite à la publication d’un livre de poésie de William Cliff, intitulé Passavant-la-Rochère.

Virgile compte dans son catalogue beaucoup de voix essentielles : Maurice Blanchot, Yves Bonnefoy, Pierre Bettencourt, Jacques Borel, Philippe Claudel, Pascal Commère, Roger Laporte, Claude Louis-Combet, Marie Etienne, Charles Olson, Jean-Claude Pirotte, Ezra Pound, Christian Prigent, Christophe Tarkos, Robert Walser, William Carlos Williams... pour ne citer que quelques auteurs.

William Cliff est un poète. Suite à sa visite en Haute-Saône dans une verrerie industrielle, sur proposition des Musées des techniques et traditions comtoises et du Centre régional du livre de Franche-Comté, l’auteur a écrit un long poème évoquant l’atelier de souffleurs de verre, dans lequel il a utilisé des adjectifs que le directeur de la société n’apprécie pas.

Or les propos n’ont rien d’insultants et les passages du livre incriminés ne reflètent rien d’autre que l’usage libre de la parole et de l’écrit ; ils se bornent à qualifier des travers ordinaires, des situations et des comportements banals dans un atelier. De plus, ces propos sont contrebalancés à d’autres endroits par des considérations d’admiration ou de respect.

William Cliff est un écrivain. Un écrivain n’est ni un chargé de communication ni un responsable du marketing. William Cliff n’est l’auteur ni d’un brûlot ni d’un pamphlet.

Les Editions Virgile ne reconnaissent pas le caractère prétendument insultant du texte de leur auteur. Toutefois, dans un souci d’apaisement et parce que toute procédure et les frais qu’elle comporte peuvent signifier la fin d’une entreprise aussi fragile qu’une maison d’édition telle que Virgile, Daniel Legrand a pris la décision de retirer de la vente l’ensemble des exemplaires du livre encore en stock
Cette concession, que ne motivait aucune décision de justice, est exemplaire. Elle est importante économiquement mais surtout moralement : si la décision de retrait des ventes d’un livre a un coût financier, elle a surtout un coût moral. Elle est douloureuse à prendre pour tout homme de culture.

Cette décision douloureuse ne semble pas suffire. Elle n’évitera pas un procès aux Editions Virgile et donc des frais importants. Le PDG de la Verrerie de Passavant-la-Rochère ne se satisfait pas de cette concession exemplaire. Il y aura donc procès.

C’est pourquoi les Editions Virgile ont d’ores et déjà besoin de nous, lecteurs, personnes attachées à la liberté d’expression ou simplement « choquées » de constater le nombre croissant de procès intentés contre des créateurs et ceux qui les diffusent. Le recours à la décision de justice, au prétexte d’une atteinte à l’image, est parfois un moyen facile de tirer d’une situation un avantage financier.

Pour soutenir les Editions Virgile, faites circuler ce texte, et soutien à transmettre à Pour soutenir les Editions Virgile, faites circuler ce texte, et :
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ou bien par e-mail à

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Dans Le Monde, article sur André Schiffrin,
l’auteur du désormais classique L’Édition sans éditeurs. Il évoque la situation de l’édition, plaide pour la diversité culturelle et parle de son dernier livre Le Contrôle de la parole (La Fabrique, 2005).

À propos de L’Édition sans éditeurs (La Fabrique) d’André Schiffrin, voici ce qu’écrivait Laurent Grisel dans Écrire & Éditer au moment de sa parution en 1999 :

André Schiffrin a été le directeur de Pantheon, une prestigieuse maison d’édition américaine. Il raconte comment sa maison a été achetée par Random House, puis Random House par Newhouse, et comment Pantheon a été délibérément détruite par ses nouveaux propriétaires, conservateurs qui ne supportent pas de voir publier des livres d’histoire, de sociologie, de littérature.

En quelques années l’Amérique a vu triompher la « valeur pour l’actionnaire » et la culture a été éradiquée, nous dit André Schiffrin.

Lui et son équipe ont démissionné avant que la liquidation de Pantheon ne soit achevée, ce qui a fait beaucoup de bruit ; il a monté une nouvelle maison « sans actionnaires, sans but lucratif, qui ressemble par certains côtés aux presses universitaires mais sans être liée à une université, qui s’adresse au public général et non à une élite universitaire, tout en visant le plus haut niveau intellectuel ». Et il montre que c’est possible, le public existe, ils ont vendu, par exemple, plus de 200 000 exemplaires du livre de James W. Loewen, Les mensonges que mon professeur m’a enseignés : tout ce qu’il y a de faux dans votre livre d’histoire américaine.

Le livre d’André Schiffrin annonce l’hiver ; il fait froid dans le dos.

27 février 2005
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