D’une seule main, une pièce de Joël Pommerat au CDN d’Orléans du 1er au 5 mars

De au monde, créé en 2004, Joël Pommerat disait ceci : « Dans un huis clos sombre comme un gouffre, comme un ventre, une famille de la grande bourgeoisie se protège de la lumière et de la vie du dehors, qui n’entre là que par rares bribes, rais de lumière, chant des oiseaux, bruits de moteurs. Le spectacle s’ouvre avec la célébration de l’anniversaire de la fille adoptée et le retour du fils cadet, militaire rentré d’une affaire lointaine. »

« D’une seule main pourrait être comme un second volet. Pas une suite au sens narratif, mais la continuation de l’exploration de certains thèmes, de certaines figures du pouvoir. (...) Au fur et à mesure que j’avance dans l’écriture et la mise en scène, je prends conscience que je travaille précisément à ne pas nommer et à laisser ouvertes les significations. Dans l’écriture, je ne cherche pas le mot qui va désigner la chose, je suis plutôt en quête de paroles qui vont faire apparaître la chose, sans justement la désigner. Voilà l’intérêt de l’écriture. Écrire ne consiste pas à trouver le mot juste car le mot juste n’existe pas, il s’agit de débusquer les mots qui vont révéler la chose, cela même qui est visé, et non la chose en soi. » (Propos recueillis par Véronique Hotte, La Terrasse, février 2005.)

On marche, on se déplace beaucoup dans les pièces de Joël Pommerat, d’un point à un autre des villes, d’une maison à une autre, même à l’intérieur d’une situation qui apparaissait familière, connue, et qui se révèle peu à peu aussi épaisse et polysémique que l’image d’un rêve éveillé. Quand on sort de la représentation d’une de ses pièces, on a quitté le monde d’avant pour entrer dans un autre. On entend, on voit différemment, de nouvelles perceptions du temps et de l’espace ont été données.

Peu d’écritures théâtrales ont eu, d’emblée, cette évidence.

« Ce que je cherche, écrit-il, ce n’est pas l’écrit ni même la mise en scène, ce que je cherche c’est plutôt du rapport, un rapport. C’est un lieu où de la parole s’entend, où des êtres parlent, où des gestes ont un poids. Je suis obsédé par la réalité, peut-être parce que je suis obsédé par le vide, l’envers du plein, par la non-connaissance, ce qui échappe, ce qui résiste à la lumière. C’est pour cela, je crois, que plus que tout, au théâtre, je veux entendre et je veux voir, je cherche à entendre, je cherche à voir. »

Son triptyque composé de Pôles, Treize étroites têtes et Mon ami (1995-2001) avait immédiatement donné à entendre une voix singulière, formée de mots et de silences, ayant parts égales du sens. Son écriture prenait déjà le temps du visage, de la prononciation, du regard, du geste de l’attente ou de l’incompréhension. Le texte ne s’effrayait ni de l’étendue ni de l’absence, les sons, les lumières, les silhouettes des personnages les affrontaient d’une démarche assurée de la nécessité de son mouvement mais incertaine quant à sa destination. Aucun ne semblait savoir d’où jaillirait le pont ou le filet qui conduirait à tenter un pas encore, de la mort ou du bel canto, du souvenir ou de son effacement.

Ces trois pièces ont paru chez Actes Sud-Papiers.

Joël Pommerat met en scène ses propres textes depuis une quinzaine d’années. Il a fondé la compagnie Louis Brouillard en 1989. Il a également réalisé plusieurs courts-métrages en vidéo, Me en 1998 et Visages en 1999-2000.


Le CDN d’Orléans présente du 1er au 5 mars D’une seule main, tous les soirs à 20h30, le mercredi 2 à 19h30.

Reprise au Théâtre Paris-Villette du 21 avril au 28 mai 2005.

Dossier sur Joël Pommerat, bibliographie, entretien vidéo et présentation de D’une seule main sur Théâtre contemporain.

Photo du spectacle D’une seule main E. Carecchio ©.

26 février 2005
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