Fabienne Swiatly | Sortie de chantier

Le spectacle n’existe pas encore, pourtant nous allons "devoir" en montrer quelque chose à du public. Sortie de laboratoire au Théâtre de Vénissieux. Je suis inquiète. Je trouve l’exercice périlleux, que peut-on montrer de ce qui se cherche encore, se fabrique à peine ? Que vaut-il le coup de montrer ? Ne risque-t-on pas de figer le spectacle ? En cas de réactions sceptiques, le doute peut envahir l’équipe, en cas de réactions positives, les territoires d’exploration pourraient se rétrécir prématurément.

J’assiste régulièrement aux répétitions et il y a souvent des passages à vide, des étirements de fatigue, de l’embrouillement de sens. Des moments où il ne semble se passer rien pour celui qui ne participe pas à la création, alors que pourra-t-on montrer de ce chantier en cours ? Tout travail artistique est une métaphore du réel qui a besoin de temps et de recul pour trouver sa forme. Nous allons montrer quoi ? Je suis saisie d’une peur à la fois maternelle et infantile pour les comédiennes. Elles vont devoir porter ce moment physiquement. Pas de costumes, pas de lumières ... des mots, des esquisses de scène, de la musique en élaboration. Je pourrais fuir.

On se partage les rôles : l’un expliquera le projet, l’autre racontera l’écriture, des scènes seront jouées, tous nous répondrons aux questions du public. Je m’entraîne à lire un extrait de texte à voix haute. Relativiser. Je dois relativiser.

« Redresse-toi.

Ne me lâche pas.

Reste à mes côtés.

Je ne suis pas si fort que cela.

Il ne suffit pas d’avoir des jambes pour avancer,

La vie n’est pas si simple, il ne suffit pas d’être valide pour s’en sortir.

Redresse-toi et regarde.

Les autres sont là aussi pour toi.

Regarde-les, impose-toi !

Tu n’es pas un tas.

Personne ne veut une sœur qui soit un tas.

Ma sœur n’est pas un tas.

Pourtant j’ai peur »

NB. La rencontre a bien eu lieu

photo@swiatly

23 mai 2012
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