23 – Rêve de Rita, 52 ans

J’ai 7 ou 8 ans, je marche sur un pont en béton de 2 ou 3 mètres de large. Je suis nue et j’ai froid. Le pont n’a pas de rambarde, il est posé sur de l’eau noire, peut-être la mer. Glaciale, en mouvement comme dans une tempête en pleine nuit l’hiver à Cherbourg. Ce pont est mobile, il suit le mouvement des vagues et se tord sur lui-même. J’arrive mal à garder mon équilibre. Je pleure, je cris, je hurle, j’appelle ma mère... Je ne vois aucune issue pour sortir de cet enfer et je pense que je vais mourir. Je ne sais pas bien ce qu’est la mort et j’ai peur. Mon père est mort, j’irai sans doute le rejoindre. Je ne comprends pas pourquoi je suis là… Je ne comprends pas pourquoi je suis seule… Je ne comprends pas pourquoi ma mère n’est pas avec moi… M’a-t-elle abandonnée ? J’ai dû être très méchante pour en arriver là, une mauvaise fille. La nuit est éclairée par une pleine lune, seule alliée dans ce cauchemar. Le ciel est noir et bas, parsemé de nuages qui avancent très vite poussés par le vent. Une espèce de brume humide et épaisse me glace les os. Une tempête, c’est ça, je suis au beau milieu d’une tempête en pleine mer ! Parachutée là ! Je pense… J’ai de la chance je suis sur un pont ! Je ne suis pas dans l’eau, je ne sais pas nager, j’ai peur de l’eau… Mais où ce pont de termine-t-il ? Je marche d’un pas rapide comme pour atteindre un but, je cours comme s’il y avait une fin. Je m’épuise, les heures passent certainement, je n’ai plus la notion du temps. Mes petites jambes ne me portent plus, mon souffle est court, je hurle "maman" et je m’effondre. Je perds sans doute connaissance un long moment, je ne sais pas. Mes paupières se ré-ouvrent et je reviens a moi, mais cet enfer est toujours là. J’aurais pu me réveiller dans un rêve… Dans une douceur rose et calme… Mais non, ce cauchemar me tient et ne me lâche plus… Je me relève péniblement et j’aperçois au loin ce qui me semble être la grille d’un portail immense. Mon cœur se serre, peut-être y a-t-il un espoir ? J’avance, cet espoir me donne du courage. Je me rapproche de cette grille. Je me souviens de ma visite à Versailles avec l’école. Cet immense portail ressemble à ceux de Versailles. Il est noir et doré. Le doré resplendit dans le clair de lune. Je m’évade le temps de la contemplation. Ce portail m’attire comme un aimant, je me sens happée. Mes jambes sont moins lourdes, mon cœur bat moins vite. Plus légère, j’ai moins peur... Et là, je me réveille.

Rita

8 avril 2013
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