Vincent Tholomé | Pause ouvrière dans les prairies de l’Univers

(De janvier àjuin 2013, j’ai séjourné plusieurs fois dans le Jura. Me suis frotté àl’hiver. De cette friction avec le monde et avec ses habitants, sont nés LE GRAND PEU et VUAZ. VUAZ est un livre paru en septembre chez Maelström. VUAZ est une petite partie du GRAND PEU. Cet automne, je poursuis l’écriture du GRAND PEU. Un projet s’écrira en roue libre sur un ou deux ans. Au moins. PAUSE OUVRIÈRE DANS LES PRAIRIES DE L’UNIVERS est un extrait du GRAND PEU.)


PAUSE OUVRIÈRE DANS LES PRAIRIES DE L’UNIVERS


1. DANS LA FABRIQUE



(...) Puis : Père. Mère. Petits contremaîtres. Petits maîtres des fabriques. Nous nous campons aujourd’hui devant vous. Nous. Enfants de VUAZ. Garnements des dortoirs. Bien campés sur nos jambes. Jambonneaux de pourceaux. Bons jambons des campagnes. Juste pour ça. Vous dire ça. Contremaîtres. Chers amis. Nous marnons comme des boeufs. Depuis des jours. Peut-être serait-il temps. Pour nous. Gamins des fabriques et de VUAZ. D’enfin poser une pause, a dit Igor Boïski.



(...) Puis. Fortement. Devant nous. Masse grouillante et piaillante de VUAZ. Marmaille venue d’en-bas. Tout en bas. Des boues et de la fange. Des riantes rivières poissonneuses. Une pause ?, a dit Mère. Mais vos mains. Vos mains d’aujourd’hui. Vos mains ont-elles. Vos mains. Suffisamment oeuvré ? En long en large et dans les grandes profondeurs ? Dans l’existence ? Le noir cambouis des moteurs ? La fumée des cheminées ? Les lames tournantes des moissonneuses et des batteuses ? Et : Oui et oui elles ont, ont dit Camion et Gagarine. Enfants encore enfants. Et : Tout est noté, a dit Boïski. Igor Boïski. Comme indiqué. Stipulé dans le registre. Grand registre des heures. Des tâches et des jours. Il est ainsi écrit. Ici et comme ceci. À la page idoine. Que. Nous et nos mains. Avons ensemble oeuvré. Dans l’illico et le presto. À la bonne marche des affaires. Avons ensemble perforé. Dès potron-minet. En long. En large. Et dans les grandes profondeurs 8650 et 7 plaques de zinc. Rogné les ongles rouges de 100 et 1000 tonnes d’acier. Puis. Que sans attendre. Avons replié. Stratégiquement replié. Selon le plan. Et dans le sens des plis. Les plaids et les thermos. Les boîtes àsardines. Et que. Dans un même élan. Avons empaqueté les burettes et les bureaux. Les petits sièges pour enfants. Puis trait les 800 et 15 fois 12 brebis et poules. Avant de. Sans perdre de temps. Combler. À nous seuls. Les retards béants. Remplissant. Un àun. Les rapports. Les dossiers compte-rendus administratifs. C’était juste après les 200 et 13 réponses téléphoniques aux bien accueillis. Les 8 et 8 fois 30 conseils avisés aux premiers venus et aux velus. Les 24 et 12 passages au salon de toilettage pour chiens. Puis : Enfants. Chers enfants, a dit Père. Contremaître des fabriques. J’entends là. Ici et comme ceci. Le parfait exemple d’un bon rendement. D’une bonne existence. Parfaitement normée dans le parfait selon les normes du jour et les 15 formulaires. Mais si. Par miracle. Vous vous répandiez. Maintenant. Dehors. Loin de nos belles fabriques. Reviendriez-vous àl’heure dite ? Ou reprendriez-vous vos sales habitudes d’animaux ? Aspirant. Par exemple. La pluie àla paille ? Ou bien exposant. À la vue de tous. Et de toutes. Vos puissants pectoraux de taureaux ruisselants ? Puis : Père. Petit maître. Contremaître des mains. Écoute, a dit Gagarine. L’enfant Gagarine. Nous savons. Maintenant. Le bien et le bon. Comprenons le sens et le temps. Mais nos toisons sont encore fines. Sommes toujours enfants. Dans le besoin d’entendre. De nous étendre. Nous autres. Petit peuple des entrepôts. Des bureaux et des fabriques. Sur un lit de paroles. Parfaites et parfumées. Ou de fumer. De prendre une pause-cigarette ou cafetière. Aucun de nous ne souhaite commettre l’erreur. Aucun de nous ne se laissera entêter par l’haleine des boeufs et des saumons allègres. Nous reviendrons. Limerons. Comme prévu. Et dans les temps impartis. Les angles des charrettes àbras. Soignerons les arrondis. Polirons àla peau de chamois la tête des clous des écrous et des vis. Fendrons pour l’hiver 10 à1000 kilostères de bois. Suivrons ainsi. Pas àpas. Cas par cas. Les alinéas. Ne sauterons aucune ligne des contrats. Ne prétexterons pas l’écriture minuscule des avenants et des aboutissants. N’effacerons pas de nos vies l’une ou l’autre tâche ménagère. Nous garderons. Comme au premier jour. Notre obstination têtue. Ne faiblissant pas devant l’ampleur. Les 90 et 7000 et 100 allumettes àtailler. Puis tremper. Baigner. Sur 3 virgule 7 millimètres. Dans leur solution d’amadou. Promis. Juré. Père et Mère. Promis juré. Puis : Bien alors. Prenez alors, a dit Père. Et : Oui, a dit Mère. Prenez la pause alors. Enfants. Enfants chéris de VUAZ. Et posez-vous.



(...) Puis. Avons pris. Nous autres. Enfants de VUAZ. Dans l’illico et le presto. La petite voie des prairies. Nous pouvons, a dit Boïski. Tournant. Lui. Son beau visage illuminé. Illustres traits limpides et lumineux. Vers nous. Compagnons. Camarades de VUAZ. Et : Nous. Petits êtres de VUAZ. Avons rempli. En long en large et dans les grandes profondeurs. Les normes normées du normé. Les règles réglées du réglé. Les conditions conditionnées du conditionné. Pouvons. Ici et maintenant. Dans l’illico et le presto. Partir. Parader dans les cours et ruelles des fabriques. Tirer les langues. Pour un temps. Jouer. Nous autres. Enfants de VUAZ. Aux grimaciers. Grands grimaciers. Nous fichant. Du tiers comme du quart. Du travail ouvrier comme de l’art cuisinier. Allons ensemble nous poser et reposer. Doigts de pieds en éventail. Dans la soie. Dans la joie des prairies. Buvant. Nous autres. Le lait àmême le pis des vaches. Des chèvres et des brebis. Comme jadis. Enfants. Comme jadis. A dit Boïski. Igor Boïski. L’immense Boïski. Puis : Oui faisons. Faisons oui. Oui faisons. Avons-nous dit. Nous autres. Tous les autres. Les Freluquet. Louis Gagarine. Pain. Camion. Natacha Chouchka. Gros Os. Surin. Surimi. Enfants de VUAZ.









2. DANS LE DORTOIR



(...) Puis. Nous. Freluquet. Camion. Pain. Et les autres. Garnements. Nanas des dortoirs et de VUAZ. Avons mangé. Puis bu. Puis remangé. Rebu. D’abord un peu. Puis beaucoup mais peu àpeu. Prenant des forces. Il faut se ragaillardir, a dit Gros Os. Il faut se raffermir, a dit Surin. Puis. Après 15 et 12 temps de raffermissement : Allons. Il faut aller. Empaquetons et pesons. A dit Gagarine. Et : Oui et oui empaquetons, avons-nous. Nous autres. Tous les autres. Puis avons empaqueté et pesé. Dépoussiéré. 8 et 12 12 nuits et jours. Dans le dortoir. C’était le soir. Après les entrepôts et les fabriques. Les rudes journées asservissantes. Dans les grincements et les plaintes. Saint brouhaha des machines. Avons. Nous autres. Obstinément. Travaillé étiqueté et pesé. Sortant. Nous autres. Nos balances des armoires. Les époussetant délicatement. Passant au chiffon doux et àla peau de chamois leurs plateaux et leurs petits poids en fonte. N’hésitant jamais. S’il le fallait. À chausser nos loupes. Nos verres grossissants. Avons. Ainsi et comme ceci. Avons. Nous autres. Traqué. Chassé l’intrus. La poussière lourde et la limaille. Les poils de chat. Tout ce qui s’infiltrait. Se glissait par les fenêtres et les serrures. Tout ce qui salit. Pollue nos affaires. A dit Gagarine. Puis. Avons ainsi et comme ceci. Nous autres. Usé. 4 paires 12 d’yeux doux. À la chandelle. À la bougie de suif et de graisse de phoque. Bénissant. Nous autres. 7 fois 15 fois Mère. Petite Maman d’amour. D’avoir. Elle. Emporté. Un jour. Tiré de VUAZ. Dans son sac. Ces puanteurs. Ces faibles lueurs. Nom de nom. Sentent la chèvre et le poisson séché on dirait non ?, a dit Camion. L’immense Camion. Et : Oui et oui, avons-nous dit. Oui mais sentent VUAZ, a dit Boïski. Et : Oh oui et oui. Bien sà»r, avons-nous dit. Rieurs. Nostalgiques rêveurs. Rêvant. Tous les jours. De VUAZ et de nos frères saumons. S’égayant guillerets dans les mares. Ou de nos frères moutons. Nous réveillant. La nuit. Broutant bêlant. Et de nos linges. Nos petits linges oubliés. Mis àsécher en bas. Séchant là-bas depuis combien de temps maintenant ?, a dit Pain. C’est de la poussière maintenant non ?, a dit Gros Os. Et : Oui et oui. Poussières. Sà»rement. Ont dit Chouchka et Gagarine.



(...) Puis avons. 12 et 10 nuits durant. À la faible lueur des chandelles de VUAZ. Empaqueté. Étiqueté. Sans réveiller nos camarades. Nos amis des fabriques. Nanas et gaillards aux cheveux ras. Fiers-à-bras àgros bras. Nous regardant toujours en coin. Nous autres. Les curiosités. Les derniers nés. Arrivés un jour àpied depuis VUAZ. Mal lavés. Mal fagotés. Petits escargots puant la sueur et le beurre rance. Portant sur nos dos nos maisons. Tout ce qui restait des baraques. Des cabanes de VUAZ. 2 à15 boîtes àcigares de saumons séchés. 1 ou 2 bouses de vache. Ça fait loin maintenant, a dit Pain. Tirant. Elle. Avec nous. Nos trésors. Ce que nous planquions. Jalousement. Sous nos lits. Nos boire et nos manger de luxe. Les évidentes preuves de notre réussite, a dit Gagarine. Et : Oui et oui, ont dit les autres. Tous les autres. Puis avons partagé. Équitablement partagé. Nos 9 et 12 demies boîtes de laits. Nos 15 et 13 paquets de fromage. Tout ce que nous conservions. Thésaurisions. Pour l’hiver. Répartissant les choses. Nous autres. Selon le lourd et le léger. Prenant soin de ne pas abîmer. Écorcher. Nos viandes rouges et séchées. Notre succédané de café. Et surtout nos linges. Petites culottes affriolantes. Singlets de cinglés. Singlets luminescents. Illuminant nos nuits et nos rêves. Sanglant comme il faut nos torses. Nos poitrines de poulettes un peu bébêtes. Ou vos fesses rouges de poussins babouins, a dit Père. Puis : N’importe quoi vraiment, a dit Natacha Chouchka. Et : Oui n’importe, a dit Camion. Et : N’écoutons pas les jaloux, a dit Freluquet. Et : Bien dit, a dit Boïski. Puis. D’un coup de torchon. Pain a frappé Louis Gagarine àla tête et dans l’oeil. Igor Boïki a mordu Freluquet au mollet. Camion a saisi par le cou Natacha Chouchka et Gros Os. Père a séparé opéré Surin Surimi ces frères siamois. N’en finissant pas. Eux autres. De se jeter du poivre. Des petits grains de poivre moulu. Dans les yeux et dans les trous des nez. Se houspillant. Eux. Pour un rien. Craignant. Tous. Craignant. Ridiculement. Un gramme mal placé. Un demi-gramme dans ton tas plutôt que dans le mien, a dit Boïski. Il faut reprendre. Peser et repeser. A dit Chouchka. Puis : Oui et oui reprenons repesons. Puis. Durant 30 et 18 nuits d’hiver. Avons. Nous autres. Déballé. Ôté. Soigneusement ôté. Les papiers kraft et les scotchs. Sorti de nos sacs et havresacs nos pesants pantalons cliquetants. Réparti devant nous en tas le petit boire et le petit manger. Puis avons. 8 et 12 fois 13 font 15 fois. Repesé les sachets et chaque grain de riz. Errant. Nous autres. D’une balance àl’autre. Vantant la justesse de celle-ci quand elle avantageait. Dénigrant l’autre. La raillant. À voix basse mais bruyante. Quand elle dépossédait. Nous surveillant. Surtout. L’un l’autre. Mine de rien. Faisant semblant de fléchir. De dormir. De nous laisser aller au bon repos. Réparateur. Espérant. Dans le fond. Prendre quelqu’un. Un frère. Une soeur. La main dans le sac. Nom de nom. Avons. Ainsi et comme ceci. Redouté. Tous. Nous autres. D’être lésé. Possédé. Entubé. Jusqu’àl’os, a dit Camion. L’immense Camion. Sa pogne énorme dans les cheveux. La chevelure mi-longue de Freluquet. Le dernier né de VUAZ. Faux-cul roublard, a dit Gagarine. Le fessant au torchon.



(...) Puis : Nom de nom. Enfants de VUAZ. Sales garnements. Suffit maintenant, a dit Mère. Et : Oui et oui suffit, ont dit les autres. Ceux des dortoirs et des fabriques. Ouvriers. Ouvrières en bleu de travail. Aux cheveux coupés ras. S’étendant. Eux. Le soir. Comme des malpropres. Tout habillés. Crottés. Dans leurs lits. Dans leurs draps si blancs. Puant. Eux. Ces petits chéris. Ces chouchous du système. Ces dorlotés. La sueur. La sainte sueur et le béni cambouis. La graisse suffocante et l’huile rance. La senteur de machines. Polluant. Eux. Notre air. Nous empestant. Infestant sans vergogne, a dit Boïski. Nous. Les jeunes. Les vifs et les vivifiants. Les garnements de VUAZ. Les épris d’air pur. De luzerne et de papillons. Puis : Nom de nom, a dit Mère. Et : N’importe quoi, a dit Père. Puis Mère a sorti les brosses. Père a rempli les seaux. Et : Ouaille ouaille ouaille, a dit Louis Gagarine. Puis Camion s’est planqué dans l’armoire. Et Freluquet a volé dans l’escalier. Et : Dehors les chiens dehors, a dit Mère. Il faut maintenant partir. Laisser dormir ceux qui travaillent. Remplissent les paniers àprovisions. Égayent les estomacs. Et : Oui et oui bien dit dehors les parasites, ont dit les autres. Ouvriers. Ouvrières des fabriques. Balançant. Eux. Dehors. Par la fenêtre et par les escaliers. Nos affaires. Petits sacs et havresacs. Puis : Oui d’accord, a dit Igor Boïski. Et : Assez vu vos trognes. Vos sales trognes blettes. Vos trognes de pommes même plus bonne àla consommation. A dit Gagarine. Puis avons ramassés. Une àune. Nos affaires. Nos bouteilles et nos linges. Nos paquets de biscuits éparpillés. Explosés sur les pavés. Dans les cours. Sur les trottoirs. Puis avons. Un àun. Ôté. Un àun. Ôté. Nos pyjamas. Nos vêtements de lin et de soie. Nos vêtements pour la nuit. Puis avons revêtu. Lentement revêtu. Nos corps nus. Exposés àla lune nos jambes d’aspirine. Nos petits pieds frigorifiés dans les flaques. Nos cuisseaux de poulets tremblotants. Et nos seins. Nos petits seins naissants. Nos allures enfantines. Avons. Nous autres. Pris. 8 et 8 15 temps de temps. Pour le faire.



(...) Puis. Nous. Ceux de VUAZ. Petits parias de la terre. Sommes partis. Nous autres. En file indienne. En caravane. Petits sauvages. Petits sauvages partant. Joyeux. Jusque là-haut. Les prairies. Les vertes et soyeuses prairies. Exaltés. Nous autres. Effoufis. À l’idée de laisser. Bientôt. Tout bientôt. Pour un temps. Tout cela. Les machines et les fabriques. Les entrepôts. Et toute la clique qui y travaille, a dit Chouchka. Les nanas aux cheveux coupés ras. Les gros et gras gaillards. Gras comme des ronds. Et Père et Mère aussi oui, a dit Gagarine. Et : Oui et oui, avons-nous dit. Nous autres. Toute la bande. Les garnements de VUAZ. Les pimpants garnements. Maintenant beaux comme des dieux. Maintenant prêts. Et : Mais quelle chance Boïski quelle chance, a dit Natacha Chouchka. Bientôt. Nous. Nous téterons. Tout bientôt. Le lait àmême le pis des vaches et des brebis. Nous. Pas eux. Et : Quelle chance oui, ont dit Gros Os et Camion. Oui. Bientôt. Tout bientôt. Nous. Nous dérouillerons nos vieux os dans les pentes. Les soyeuses prairies. Nous. Nous dévalerons le monde. Pieds nus. À vive allure. Pousserons devant nous les vaches les chèvres et les lapins de garenne. Les faisant. Eux. Un àun. Les faisant choir. Tomber. Comme des mouches. À coup de pierres. À coup de fronde. Dans le néant. Et : Des vaches des chèvres et des lapins comme des mouches. N’importe quoi. Camion. C’est n’importe quoi, a dit Freluquet. Et : Oui c’est vrai, a dit Camion. Blagueur. Et : Oui et oui très drôle, avons-nous dit. Les autres. Tous les autres. Tous ceux de VUAZ. Palabrant. Devisant. Joyeusement. Dans la nuit. Sur les cours. Les pavés des dortoirs. Palabrant devisant àhaute voix. Puis avons. Nous autres. Caressé comme il faut. Entre les deux oreilles. Jupiter. Le chien Jupiter. Et sa bande. Nos chers efflanqués. Nos cabots venus de VUAZ. Nos beaux chiens dormant. Patiemment dormant. Dans leurs niches. Leurs maisonnettes de bois. Recommandant. À eux. Petits animaux. De prendre soin et grand soin de Père. De veiller sur la santé de Mère. De toujours mordre le facteurs. Et les inconnus. Avant qu’ils sonnent. Puis avons remis. Officiellement remis. À Père et Mère. Nos recommandations. En formulaires. Dà»ment remplis. En 4 et 12 exemplaires. Stipulant. Nous autres. En détail. Comment nourrir soigner doucher. En notre absence. Nos perroquets. Hamsters. Singes babouins. Et : Et puis encore. Père. Et toi Mère. Surtout. Laissez surtout aller les singes cabrioleurs, a dit Boïski. Igor Boïski. Laissez-les voltiger comme des fous entre les barres. Les montants verticaux et solides de nos lits àétages. N’hésitant jamais. Eux. Shazam. À se jeter dans le vide. Le néant. Nom de nom. Père. Et toi Mère. Prenez-en de la graine si vous pouvez, a dit Boïski. Puis avons embrassé. Tendrement embrassé. Sur la bouche et la joue. Père et Mère. Puis. Enfin. Immense caravane. Nous nous sommes ébranlés. Nous autres. Garnements de VUAZ. Toute une bande bariolée. Portant nos parasols et nos bouées. Nos chapeaux de paille et nos chemises d’Hawaï. Avançant. Maintenant. Cahin-caha. Dans les cours. Les allées pavées des fabriques. Traversant bruyamment les entrepôts les ruelles et les places. Tonitruants gaillards. Tonitruantes nanas. Agitant nos mains. Saluant au passage les petits ouvriers. Nos frères. Nos soeurs d’infortune. Infortunés personnages nous regardant en coin. Derrière leurs rideaux. Depuis leurs appartements. Se demandant. Eux. Qui pouvait. À cette heure. Durant la nuit. Brailler. S’époumoner. Chanter une chanson paillarde. Nous enviant. Dans le fond. Nous autres. Ceux de VUAZ. De bientôt. Tout bientôt. Passer la colline. Nom de nom, a dit Boïski. Et : Oui et oui, ont dit Gagarine Chouchka et Camion. C’est qu’ils s’épuiseront bientôt. Tout bientôt. À notre place. Ces pauvres chéris, a dit Pain. Nana resplendissante sous la lune. Nana de VUAZ. En petit short et en sandales. Nom de nom. Pain. Tes paroles sont ailées et parfumées, a dit Boïski. Et : Grand fou, a dit Pain. Et : Je sais, a dit Boïski. Igor Boïski. Grand tombeur de VUAZ.











3. DANS LES PRAIRIES DE L’UNIVERS



(...) Puis. Nous autres. Enfants de VUAZ. Avons. 7 et 12 font 13 temps de temps d’éternité. Avons. Ici. Posé la pause. Dans le vert et le soyeux. Les belles prairies de l’univers. Petits singes babouins. Jouant. Nous autres. À cache-cache dans les herbes hautes. Nous chamaillant. Comme toujours. Pour un rien. Sautant dans le vide. Le néant. L’inconnu des prairies. Et : Nom de nom que c’est bon, a dit Camion. Et : C’est bon oui nom de nom, ont dit les autres. Tous les autres. Les Freluquet et Gros Os. Les Pain et Louis Gagarine. Igor Boïski. Natacha Chouchka. Surin et Surimi. Petits singes savants. À 12 et 1000 lieues des fabriques. Des dortoirs et des fabriques. De l’éreintant travail. Manquant. Nous autres. 8 et 15 fois le jour. L’écrabouillage. La plate transformation en crêpe. Ou en galette. En gaufre bouillie. Puis : Nom de nom. Moi je reste, a dit Boïski. Et : Ramper entre les engrenages. Badigeonner àla brosse dure un vieux clou. Une tête de vis ou un écrou. Passer au noir cambouis. Ou àla graisse de phoque. Une courroie de cuir ou une chaîne épaisse. Très peu pour moi. A dit Gagarine. Puis : Nom de nom, a dit Natacha Chouchka. C’était dans les prairies. Le plateau en surplomb. Au-dessus de VUAZ. À proximité des vastes élevages industriels.



(...) Puis. Séparation. Séparation chez ceux de VUAZ. Igor Boïski. Louis Gagarine. Ceux qui restent. Freluquet. Camion et Gros Os. Natacha Chouchka. Pain. Surin et Surimi. Ceux qui rentrent. Et : Tétons encore une fois ensemble les pis, a dit Freluquet. Puis séparons. Et : Oui trinquons, ont dit Pain et Camion. Puis. Avons. Nous autres. Trinqué tété. Mangé le boire et le manger. D’abord un peu. Puis beaucoup. Puis assez bien bon. Puis bon. Traquant. Nous autres. Les vaches et les brebis. Les approchant en stoemelink. Catimini. Usant jusqu’àla corde notre savoir. Rampant. Nous autres. Contre le vent. Et en silence. Dans les herbes. Et : Nom de nom que c’est bon de glisser sous les pis, a dit Freluquet. Et : Oui et oui, ont dit Pain et Surimi. Puis : À une autre fois alors, a dit Chouchka. Et : Oui et oui, ont Boïski et Gagarine. Enfants de VUAZ. Se dirigeant. Eux. Bras dessus bras dessous. Vers les élevages. Les clapiers industriels. Les étables poulaillers. Les élevages de VUAZ.

Vincent Tholomé


Vincent Tholomé est auteur et performeur, auteur de plusieurs livres, notamment aux éditions Le clou dans le fer.
Le lire et l’entendre sur remue.net.
Le lire et entendre également sur son site personnel, lacompagniedugrandnord. -
Son dernier livre : VUAZ, paru en septembre chez Maelström.

24 octobre 2013
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