« les genres s’entremêlent, les rives s’épousent, les forêts sont des villes », Daniel Arsand

Dernier livre paru : Que Tal (2013).

« Tout cela est en moi », un autoportrait de Daniel Arsand écrit pour la bibliothèque de Roanne, sa ville d’origine.


 

Écrire un roman : cette forme s’impose-t-elle à vous ou est-ce une décision prise pour tel livre ? une fois pour toutes ?
Oui, en général la forme s’impose d’elle-même. Lorsque je me suis lancé dans La Province des ténèbres, mon premier roman, c’était au départ une nouvelle, puis je me suis rendu compte que ça devenait un roman et que ce ne pouvait être qu’un roman.


Que demandez-vous à un roman en tant que lecteur ? En tant qu’auteur ? Sont-ce les mêmes choses ?
En tant qu’auteur, je ne demande rien à un roman, je l’écris, et puis, on verra. En tant que lecteur, un plaisir du texte, que le texte soit un chemin que je pourrais mille fois prendre et qui mille fois serait différent. Je veux me perdre dans un livre. Il y a des romans que je lis, comme si j’avais quinze ans, parce que m’importe avant tout l’histoire, je la dévore, et d’autres où c’est le texte qui me dévore, où c’est un texte avant d’être une histoire, bien que les deux soient mêlés.


Avez-vous fait des incursions dans d’autres formes littéraires et si tel est le cas, cette expérience a-t-elle servi d’une façon ou d’une autre dans l’écriture du ou des romans suivants ?
Oui, j’ai fait avec Ivresses du fils, une commande de Philippe Claudel pour la collection « Ecrivins » chez Stock, j’ai fait une incursion dans le texte autobiographique. Depuis j’alterne roman et texte autobiographique. La rédaction de Ivresses du fils a modifié ma façon d’écrire, écrire juste est devenu plus nécessaire qu’écrire bien. J’écris désormais d’un jet, puis supprime, supprime, coupe, un peu comme un sculpteur, jusqu’à ce que la forme et le contenu n’aient plus la graisse du superficiel, de l’inutile, de ce qui fait écran entre le texte et soi.


Écrire un roman au XXIe siècle vous semble-t-il difficile ou évident ? En d’autres termes vous paraît-elle dépassée ainsi qu’on l’entend souvent ?
Écrire un roman au XXe, au XXIe siècle, mais oui, plus que jamais, tout est possible, tout est à tenter, les genres s’entremêlent, les rives s’épousent, les forêts sont des villes. La bâtardise est un signe royal.


Dans vos lectures, y a-t-il surtout des romans ou trouvez-vous votre « nourriture » plutôt ou autant dans d’autres genres de livres - et si tel est le cas, lesquels ?
Je trouve nourriture en tout, mais essentiellement dans les romans, et je lis beaucoup, beaucoup de poésie et des journaux. D’ailleurs je tiens un journal.


Que privilégiez-vous dans l’écriture d’un roman ? Une action, des personnages, une forme, un point de vue ?
Tout doit être privilégié. L’important n’est cependant pas de privilégier ceci ou cela, mais de maintenir l’incandescence du texte, son rythme. Son souffle. On est dans le verbe, même si le terme peut paraître prétentieux. Et Henry James disait que les thèmes en littérature et en toute création sont peu nombreux et toujours les mêmes depuis la nuit des temps, mais que ce qui changeait, c’était le point de vue sur eux. Tout est une histoire de point de vue. Et la littérature, la création, est un faisceau de réciprocités, selon James, encore.


D.A.


2 février 2014
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