Un bref récapitulatif des épisodes précédents

Au cœur de la torpeur estivale, dans le silence presque parfait des réseaux désertés pour cause de : baignades prolongées dans des eaux bleu-vert, siestes infinies dans des hamacs balancés par un souffle de vent frais, apéritifs commencés dès 11h du matin et se prolongeant tard dans la nuit, alternance de vins de toutes teintes, hibernation profonde sur un canapé-piège, en attendant l’automne ; en attendant l’automne, précisément, la reprise des affaires courantes, les publications, les voix, les lectures, les rencontres : un bref récapitulatif des épisodes précédents.

1- REMUE.NET, C’EST UNE REVUE

C’était au printemps, on entendait déjà approcher la rumeur d’un sombre anniversaire, canons et chairs déchiquetées sur les champs de batailles, fin d’un monde sans aube à suivre :
"Nous cherchions le salut de l’humanité.
Tordre l’espace, briser l’horizon, faire voler en éclats le monde pour en retrouver la lumière.
Ce sont les corps qui ont explosé. Ce sont les faces qui se sont tordues. Ce sont les entrailles qui ont volé en éclats." Voix de Michel Simonot évoquant les corps impassibles de Verdun.
C’était en juin, et sous la forme d’un "je ne me souviens pas" hypnotique et glaçant, Joachim Séné retraçait l’émergence d’une société post-humaine, fondée sur l’oubli de toutes les luttes, de toutes les résistances - de toutes les joies : "Je ne me souviens pas de l’interdiction des fictions, de l’effacement des virgules, du déploiement des acronymes, des généralités appliquées à tous par amendes forfaitaires, des rapports des commissions aux parlements sur l’intimité des citoyens déterminée par études sociales robotisées et confirmées par calculs statistiques, des prévisions garanties, des certitudes calibrées.". Le pire est-il réellement derrière nous ?
Qui mieux qu’Instin pour nous répondre - il se taira, naturellement, - dont le feuilleton se poursuit, chronique d’un temps hanté, tant, par ses disparitions, que par la persistance de toutes violences.
"bref. rien de nouveau. pas trop se prendre au sérieux.
juste essayer de balbutier tant bien que mal.
ça reste un petit effort dérisoire.
juste enfoncer le clou." Et là, c’est Fred Griot qui parle, ou parl, pose sa voix, à la fois incertaine et assurée, retour au présent, à ce qui s’y déroule, sans fioriture, Manière de tenter de saisir ce mouvant, cette marche ou tâche, manière d’être humain.
Humain, c’est-à-dire : ici : réfléchissant à chaque pas, mais aussi tourné vers l’autre, les bêtes, la bête. Saisir l’animal, comme le tente, dans un tout autre style, bien qu’en écriture brève, elle aussi, Danièle Momont, avec ses 99 notes préparatoires au règne animal. On y cause AXOLOTL, on se rappelle, avec Julio, les racines profondes et communes, ce qui nous lie à eux. Ce qui nous lie à eux ?
Qui mieux qu’Instin pour y répondre ? Certes, de mémoire d’homme, le Général ne s’est encore jamais aventuré dans le monde animal, en tête d’une armée de fourmis partant à l’assaut d’éléphants, cela se saurait, ou se serait su, mais cela se saura peut-être un jour, puisque la mémoire d’Instin s’écrit au fur et à mesure qu’on l’invente. Ainsi, c’est du pays d’Ugogo qu’à l’été Instin fit la conquête, et si cela sonne à vos oreilles un peu zinzin, allez-y voir, que dire de plus ? C’est la foire à tout, au grand Tout, ça ne se résume pas, tant c’est tout à la fois, partout et tout le temps. A se demander, avec Raymond Penblanc , si Instin ne serait pas atteint de "mégalomanie galopante", celle qui le pousse à signer le paysage de ses initiales grandeur nature, à ne jamais complètement disparaître - on en attend pas moins d’un revenant.

2- REMUE.NET CE SONT : DES CHRONIQUES

"Ce soir, peut-être, quelque chose va apparaître, quelque chose va disparaître. Et nous ne serons pas surpris". Ce sont les mots de Cécile Wajsbrot, en résidence à Lenzburg, bourg Suisse, y rédigeant depuis avril son manuel de Survie en milieu hostile, tandis qu’au même moment ,
Benoit Vincent, arpenteur inlassable de bornes multiples quitte Lyon (qui l’emmerde), en quête d’un lieu à définir, pays qui "se conquiert avec âpreté, c’est-à-dire avec la patience de ce que le paysage bouscule", tandis qu’au même moment
Catherine Pomparat poursuit une série de Notes méridiennes consacrées à la lecture de Dorman, de Dominique Meens.

3- REMUE.NET, CE SONT DES DOSSIERS

Au même moment, (comme si, ici, tout se lisait, s’écrivait en même temps, voix très anciennes et très récentes se croisant, se côtoyant, se répondant), se poursuivent deux dossiers d’écriture collective, celui de la Disparition, libre variation sur une photo de Sébastien Rongier, qui s’enrichit des contributions de Martine Sonnet, Isabelle Bonat-Luciani, Isabelle Damotte, Estelle Fenzy Soual et Stéphane Korvin, et le Chantier Virgile, qui accueille, en mai, et en juin, les traductions admirables de Jordane Berot, Danielle Carlès et Marie Cosnay...
"Avec leur bouclier en croissant elle conduit les lignes d’Amazones,
Penthésilée la furieuse, elle s’échauffe au milieu des soldates,
Elle a noué le baudrier d’or sous son sein découvert,
La guerrière, une vierge, et elle ose courir avec les hommes.
Tout ce qu’il y a à admirer Énée le Dardanien le regarde
Et comme il est immobile, attaché à une image, figé,
La reine, de beauté merveilleuse, Didon, vers le temple
Avance, suivie d’une foule compacte de jeunes garçons."
Le feu qu’allume Enée le Dardanien dans la poitrine de la reine est de ceux qui consument et ne cessent jamais de brûler ; qui trop embrase mal éteint.

4- REMUE.NET, C’EST : UNE NUIT

Qui trop embrasse mal étreint : pour dire (et c’est abrupt) tout ce qui fut écrit en mai et en juin sur remue.net, il nous faudrait autant de bouches que Méduse a d’yeux ; il vous faudrait autant d’oreilles pour l’entendre. Ainsi s’achève, sans cérémonie, ce bref récapitulatif. Non sans vous laisser, pour éclairer vos nuits d’été, un dernier feu, d’artifice, s’il vous plaît, : la nuit Remue, ici, la nuit remue - et, attendant l’automne, que les vôtres soient belles.

11 août 2014
T T+