Atelier #7 : Mon objet fétiche

Pour l’atelier du mois de juin, j’ai proposé une consigne un peu différente. Je me suis inspirée de la Galerie des Dons du musée de l’histoire de l’immigration où chaque visiteur qui souhaite confier le parcours migratoire de sa famille peut offrir au musée une part de son histoire personnelle, qu’elle soit individuelle ou collective, intime et singulière, sous forme d’archives ou d’objets. J’ai donc demandé aux participantes quel était leur objet fétiche. De quel objet feraient-elles don au musée et que raconteraient-elles sur cet objet ? Quelle est son histoire ? Son symbole ? Qui le leur a donné ?

Voici quelques extraits :

 Une valise avec la signature de mon père

En 2007, j’ai quitté mon travail àShanghai et j’ai décidé de partir en France. J’avais 26 ans. C’est la première fois que je suis partie si loin de mes parents pour si longtemps. J’ai acheté une grande valise, rouge en polyester, c’est une valise normale, rien de spécial.

Le jour de mon départ, mes parents m’ont emmené àl’aéroport international de Shanghai. On attendait devant le guichet de check-in. Mon père s’inquiétait que je ne trouve pas mes affaires quand j’arrive en France. Il a écrit mon prénom sur la valise avec un stylo àencre noire. Il a écrit lentement avec force les caractères un àun. La signature était jolie et claire. En fait, je sais que ça ne m’aidera pas beaucoup si la valise se perd mais cette image reste toujours dans mon souvenir. Elle m’a touché, elle me donne de la force. Je sais que n’importe où, où je vais, n’importe quelle situation où je suis, je peux toujours rentrer àla maison où il y a le grand amour sans condition qui m’attend.

 Le djola

Dans la tradition peulh, après le mariage, la mariée reçoit de la part de sa mère des ustensiles de ménage. C’est le cadeau que cette dernière prépare pendant des années avec l’aide de toute la famille, des parents et des amies. À mon mariage je devais venir en France donc je ne pouvais pas venir avec de la vaisselle. Ma mère avec l’accord de mes petites sœurs m’a offert la chaîne en or qu’elle avait reçu àson mariage.
Le « Â djola  » est un bijou en or dont le médaillon ressemble àun minaret de mosquée. La chaîne est un assemblage de plaques en forme de cÅ“ur ou de feuilles bien façonnées par les bijoutiers. Ne pouvant pas le porter tel qu’il est, je l’ai transformé pour en faire plusieurs modèles. Il pesait au moins 50 grammes. C’était la dot de ma mère. J’ai gardé ces bijoux de 1975 à1984. Je venais d’arriver àAbidjan depuis seulement cinq mois quand on a été cambriolé. Je n’aime pas en parler parce que ça a été une grande perte. Le seul souvenir de ma mère s’est envolé. Elle est décédée maintenant. À chaque fois que j’y pense j’ai des larmes aux yeux.

 Un foulard et un bracelet

Souvenir de l’accident de ma mère, morte en 1979. Souvenirs de ma mère : un foulard de lin en crochet blanc et bleu et un bracelet en argent. Elle portait le foulard sur sa tête quand elle a eu l’accident de voiture en 1979. Le foulard était plein de sang. Avec quatre enfants, un frère et une sœur et mes deux neveux. C’est la seule qui est décédée dans cette famille avec trois autres personnes d’une même maison : une mère, sa belle-sœur, la grand-mère. Son bébé de deux mois reste seul survivant dans ses bras. À cette époque de l’année il n’y a que le soleil en pleine campagne, il fait chaud, 45 degrés. Il n’y a ni ombre ni arbre ni rien que le soleil dans le ciel et la route. Ils sont restés quatre heures sans ambulance, ni arbre, ni ombre.

Le foulard, je le porte et surtout la nuit. C’est un objet qui voyage avec moi.
Le bracelet je l’ai hérité de ma maman, il est vieux et il me blesse. Je le porte tous les jours. C’est un cadeau que j’ai eu à20 ans.

15 août 2014
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