Paris-Limoges (un atelier d’écriture) (Véronique Pittolo)

Extraits de Paris-Limoges (un atelier d’écriture), texte en cours d’écriture de Véronique Pittolo


Si j’accroche une plaque devant ma porte avec l’inscription Psychanalyste et en dessous, en petits caractères, Atelier d’écriture, il y aura la queue dans le couloir. Une feuille blanche sera àla disposition des patients. Je ferai intervenir des contemporains qui liront un travail en cours. La Fugue inachevée de Patrick Beurard- Valdoye, L a Promenade àNew York de Stéphane Bouquet, La fleur blanche de Fabienne Courtade.

Les odeurs

Le parfum

Des années après.


Ces poètes inventent un monde nouveau pas moins naturel que l’ancien. De Beurard-Valdoye àDante, l’équivalence est-elle possible ?

Le poète : une fenêtre qui doit rester ouverte

Sinon le monde moisit.

O merveille ! ainsi qu’il la cueillit

Telle aussitôt renaquit l’humble plante


De Shakespeare àBouquet, y a-t-il continuité ?

Je rentrais du stade sur la vespa, je serrais sa blondeur

même…

Devant, une joie promise, derrière, un rêve…




Dans un premier jet, au-delàdes exercices, tout transport est possible : un ami, ses écrits, tomber amoureux d’un camarade de haïku. Le ton mélancolique se mêlera au bruit de la cafetière, àla sonnette de l’entrée.

Fraîcheur

J’appuie mon front

Contre la natte verte,


Fraîcheur

Au mur la plante de mes pieds nus

Sieste,



J’observe mes pieds, mon extrémité comme une

zone de contrastes, un nouveau poème viendra

du corps, naturellement.




Des sujets nobles aux thèmes ordinaires, les rimes luttent entre elles. Une fois affranchi du réflexe scolaire, une tranche de vie revient : relater, témoigner, lâcher prose, devenir motif, autobiographe, marque déposée. Le moi sentimental est un problème, un jour je me sens bien, le matin suivant, une dépression guette. La lecture d’un poème me rassure comme une couverture qui un jour réchauffera mon existence.


À quoi serviront ces carnets ? Qui fera le tri ultime de mes confessions ? Une trace, pourquoi faire ? L’écriture devrait être comme le jardinage ou la cuisine, une chose qui va disparaître tout de suite. Ce plat merveilleux, demain, n’existera plus, mais ces feuilles, on les retrouvera dans un tiroir. Les fleurs de ce matin ne tiendront pas ce soir.


Racontez ses vacances n’a rien àvoir avec Avez-vous des racines ? Si je remplace mon récit par un album de photos, on verra entre le chien et l’arbre, dans l’Oise, une jeune fille allongée dans l’herbe en 1980. Je préfère les choses proches de Sei Shonagon, bien qu’éloignées, insignifiantes, celles qu’on ne peut faire que debout, se laver les dents, puis les choses qui ennuient, les vacances au même endroit chaque année. Enfin, parmi les choses désagréables, un effort de mémoire pour rien. Qui m’oblige àrefaire le passé ?



Voyage en train. Un aller Paris-Limoges.



Je demande àma voisine où elle descend, si elle répond Limoges, j’obtiens déjà, virtuellement, un paragraphe sur les merveilles de la province, son ennui, sa porcelaine. Elle rejoint sa famille après un week-end àParis avec son amoureux. Question : que fait l’amoureux pendant la semaine ? Est-il fidèle ?

Il y a plusieurs manières d’attirer le lecteur, soit on commence par une histoire, potentiellement d’amour, puis on laisse tomber l’intrigue si on sent que le texte devient inintéressant. On peut se demander pourquoi la plupart des romans, aujourd’hui, tombent des mains et n’évitent pas l’effort au style. Le style et l’ampoule sont une plaie.


Un :

choisissez un personnage que vous développerez au fur et àmesure (la passagère du Paris-Limoges dans le train du dimanche soir).

Deux :

Peut-être que le train va dérailler, ou il y aura un attentat. Ou cette jeune fille est montée sans billet parce qu’elle appartient àun réseau terroriste. A-t-elle pris le temps de composter ? Dans ce cas, vous ressentez une légère empathie, une inquiétude.

Trois :

La créature du train constitue un début fascinant pour un poème Paris-Limoges (hommage àApollinaire ou Cendrars).

Dans le TGV àgrande affluence, écrivez ce qui passe et disparaît : un visage, une conversation… Vous avez vingt minutes.

25 février 2015
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