Septembre 2015

00/09/15
Pour un R qui arrive, un autre air qui s’enfuit. Entrée dans la rentrée. Me reste bien sûr l’évasion, le lointain. Me reste surtout l’étrange expérience d’une première fois au casino. Les lumières dégueulasses. Les gens raidis par la roulette, médusés par les machines. Si peu de mots pour animer cela.
Est-ce que Blaise Pascal, rêvant de mouvement perpétuel, avait imaginé les salaires de grenouille espérant le miracle d’être bœuf, les misères affectives qui enflent et s’éclatent sur le tapis vert de la perte ?

01/09/15
Premier RDV du mois > réunion d’informations chez CLARA. Question du jour : Quand tout autour de moi (nous) la pression monte afin de gérer notre CA, réfléchir à mon (notre) utilité, comment devenir ma propre entreprise ? Réponse subsidiaire : Oublier le fait que je le suis officieusement depuis vingt ans. Que nous sommes tous notre propre entreprise dès le départ. Là n’est pas la réponse. Me rappeler que j’ai décidé de soigner mes liens avec le réel.

03/09/15

RDV avec Damien Aulombard, mon « homme-ressources » chez M. Sloop quand mes élucubrations poétiques font trop la JAVA et que je n’arrive à rien programmer seule sur remue.net. Mon ciel s’éclaire. Se referme dès que je rentre chez moi. Exercice d’empathie : je comprends ceux et celles qui versent dans l’adoration, la dévotion.

04/09/15
Longue marche jusqu’au Pôle Emploi/Plaine Saint-Denis. Motivée quant à la tenue en mains de mon avenir, je vais voir quelle formation peut m’être financée. Le rdv dure moins longtemps que le trajet : mon actualisation via mon mobile n’a pas été enregistrée cet été. Je ne suis plus demandeuse d’emploi. (on me vante au passage le statut d’auto-entrepreneur, ça aussi je le suis depuis deux décennies et c’est bien plus de 40% de charges que je paie)
Je retourne donc chômer incognito. Septembre est beau, je me rabiboche avec l’étymologie : Chômage => Le terme est issu du Latin populaire « caumare » dérivé du grec ancien « καυμα » (kauma), signifiant « se reposer pendant la chaleur ». Mes latineries me plaisent d’autant plus que je bosse sur une nouvelle qui évoque le vol d’une semelle gallo-romaine sur un site de fouilles préventives.

08/09/15
Rdv aux Tuileries avec FB, professeur du Lycée Guimard, afin de voir comment ses élèves de DMA peuvent prendre part à mes recherches. Son accueil est si ouvert et enthousiaste que nous pouvons imaginer ensemble. Ce qui veut dire se « laisser aller à construire ».

09/09/15
Contentement. Lire, écrire. Plaisir de répondre à une commande de nouvelle, de poème. Contentement...
Camus a-t-il raison lorsqu’il parle de « la capacité de certains êtres à se détourner du désespoir » ? Comment expliquer que certains défendent bec et ongles leur puissance de vivre ?

10/09/15
Je pensais que, la grande campagne du barreau de Paris s’étant achevée en juin, l’ambiance serait plus détendue chez M. Sloop mais il semblerait qu’un projet en appelle un autre, que les coûts appellent les coûts. En somme que la machinerie de l’entreprise ne supporte aucun arrêt sous peine de claquer. Imagination mortifère ? Réalité asservissante ?
19h30 > Rencontre avec Hubert Haddad à la librairie L’écume des pages. Un courtisan m’interroge sur mon lien, son ancienneté, s’étonne de ne jamais avoir fait ma connaissance. L’interrogatoire s’achève par une question-couperet : « Ne vous sentez-vous pas anoblie par ce lien ? » Il est stupéfiant de redécouvrir le manque d’imagination qui règne au Royaume des Lettres.

NB : « Et celui qui, souvent, a choisi son destin d’artiste parce qu’il se sentait différent, apprend bien vite qu’il ne nourrira son art, et sa différence, qu’en avouant sa ressemblance avec tous. L’artiste se forge dans cet aller retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s’arracher. C’est pourquoi les vrais artistes ne méprisent rien ; ils s’obligent à comprendre au lieu de juger. Et, s’ils ont un parti à prendre en ce monde, ce ne peut être que celui d’une société où, selon le grand mot de Nietzsche, ne régnera plus le juge, mais le créateur, qu’il soit travailleur ou intellectuel. » Camus, Discours de Suède.

11/09/15

Se mélangent la venue de J. à Paris (rencontre sino-française, dialogue en anglais) et mes recherches sur le Super 8. Lien joli : mon frère, son époux, m’explique qu’en Chine la façon de penser, de vivre le temps n’est pas linéaire. On ne cesse de faire des boucles passé-présent-futur. Quoi qu’on nous enseigne, faisons-nous autrement en Occident ?

12/09/15
RDV avec E.W. mon amie plasticienne. Nous nous installons dans un troquet après avoir flâné aux Puces de Clignancourt. Je la regarde toucher, je la regarde faire parler son caoutchouc, son bout de dentelles. Son esprit relie sans effort un matériau à l’autre. Elle entend leur dialogue. Un livre va naître.
Et pourtant je ne vois rien. C’est simplement la confiance, l’intérêt que j’ai pour elle et ce qu’elle crée qui me permet de croire que je peux y prendre part. Qui me permet d’inventer un corps texte qui se glissera dans son corps matière.

13/09/15
(suite du rdv avec E.W.) De la joie passive qui, sur le long terme, m’affecterait, une autre joie plus puissante : l’horizon d’un texte à écrire. La puissance est insaisissable mais palpable par chaque cellule. Ce qui fait travail, c’est être en travail. Un mouvement du dedans.

14/09/15
Je réfléchis aux prochains poèmes-portraits. Penser à leur programmation a quelque chose du travail plastique que je n’ai pas lorsque j’écris habituellement. Je gagne en ivresse, je perds en intuition. Quelque chose comme ça.

15/09/15
« En ce moment, de nombreux blogs et commentaires sur le web affirment qu’une nouvelle fin du monde est proche. Entre le 15 et le 28 septembre 2015, un astéroïde devrait heurter la Terre dans la région de Porto Rico, dans la mer des Caraïbes, comme cela avait été le cas il y a 65 millions d’années dans la péninsule du Yucatan au Mexique, entraînant la disparition des dinosaures » Source.
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Réfugiés : "La prochaine grande vague pourrait venir du Liban"
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Ça et " le reste ".

16/09/15
Atelier d’écriture sur le thème de l’exil puisqu’il est normal que l’action publique culturelle doit être utile et/ou salutaire > le transforme en Exil(s) > commence par celui de la langue, l’entrée (propulsion) dans le « dire avec de soi ».

« — Il y a une expression très jolie en français pour dire qu’on essaie de se rappeler quelque chose.
— Fouiller dans ses souvenirs ?
— Perdu.
— Se rafraîchir la mémoire ?
— Gagné. Dans votre langue, la mémoire est au mieux un objet brûlant qu’on ne manipule qu’avec certaines précautions…
— Et au pire ?
— Une cave. Une cave glacée où on descend à contrecœur et qu’on fouille par nécessité, des fois qu’on y retrouverait la chose perdue. En espagnol…
— En espagnol « on fait de la mémoire » ?
— Affirmatif. Se hace memoria. […]
En Espagne, on n’a pas pour habitude de fouiller dans ses souvenirs, il ne viendrait à l’idée de personne de mettre son passé au frais. »

Le bel exil, Adélaïde Belasquez, éd. Grasset.

Sans cette mémoire, sans cet exil, il n’y a pas d’imaginaire possible.

17-18/09/15
Dans l’équilibre travail alimentaire, recherches et études pour la résidence, lire « gratuitement » est difficile. (le plaisir de lire Barthésien) Comme si la réalité sociale, la maîtrise et l’énergie permanente qu’elle réclame, amoindrissait ma capacité à me plonger dans un texte de fiction, comme si je risquais de ne pas pouvoir en revenir…
> réunion de rentrée chez M. Sloop : à la question « comment veux-tu qu’on fasse ? » pourtant simple et directe, je suis dans l’incapacité de répondre… j’ai terriblement besoin de l’enthousiasme de l’autre — pour travailler. (inter homines esse…)
> espoir que ces notes dépassent le déballage subjectif, qu’elles soient, en se réécrivant dans cet espace numérique, un acte.

NB : « La réification est plus qu’une transformation ; c’est une transfiguration, une véritable métamorphose » H. Arendt, Condition de l’Homme moderne
NB2 : « La raison est une lumière qui fait voir les choses comme elles ne sont pas, et puis, du reste, comment sont-elles ? » Picabia

19/09/15
Premier refus d’entretien — qui en est un quand même. Cela aurait pu être : « je n’ai pas le temps », « ça ne m’intéresse plus »… Ce fut : « m’en veux pas mais je préfère reposer mon crabe ». J.L., artisan à la retraite, me fait faux bond. Je le regarde s’éloigner d’un pas gris. Il est venu jusqu’au troquet me dire la chose en face. Il aurait pu me téléphoner. Déconcertée, pataugeant dans une idiotie déçue, je commande un café afin de n’être pas là « pour rien ». Tout ce que je pense, la façon dont je me le formule, semble à côté. Aurais-je dû le retenir, batailler gentiment afin qu’il goûte, en cette période de débâcle effrayante, à la victoire ? J’ai le sentiment d’être pire que son crabe.

22/09/15
> Oscillation permanente : se retirer — plonger au cœur du monde.
Un fragment d’É. Glissant — cette pensée du Tout-monde dont on parle si peu.

Qui te voudrait seul avec lui dans l’univers ?
Pour quel combat ?

> Before we go de Jorge Léon#Gaîté Lyrique
(cette fin que nous ne pouvons imaginer n’est-elle pas l’enjeu même d’un « prendre soin » de tout ce qui peut l’être « avant que de »…)

25/09/15
Léonie Pernet à Pompidou. (cf. portrait VII)
Ce que c’est qu’imaginer. Ce que c’est que pouvoir imaginer.
Cette phrase de sa mère, il y a quelques années : « il faut faire confiance à l’avenir ».

21 octobre 2015
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