Tombeau de Pamela Sauvage

Roman de Fanny Chiarello


Ce n’est pas uniquement le Tombeau de Pamela Sauvage que dresse Fanny Chiarello dans ce roman superbement construit mais aussi celui d’une époque, la nôtre. Elle s’y attelle en la faisant disparaître pour mieux la disséquer. Et ce àtravers vingt-trois existences reliées les unes aux autres avec en tête de pont, et début de chaîne, celle de Pamela Sauvage dont le nom vient tout juste d’apparaître dans la rubrique nécrologique du journal régional.

Celui qui commente brièvement, et précisément, àcoups de notes de bas de page, le contexte social et politique au sein duquel se sont lovées et déroulées les différentes vies en question, est un philologue patenté. Il a àcÅ“ur d’expliquer les règles qui étaient alors (il s’agit d’aujourd’hui) en vigueur dans la société àlaquelle appartenaient tous ces défunts. Sa tâche est rude : il lui faut sans cesse revenir sur un lexique d’époque qui n’a plus cours.

Cet homme très scrupuleux vit dans un monde futur qui s’avère, en tous points, bien pire que l’actuel. Cette réalité, Fanny Chiarello la distille discrètement, et ne s’en sert surtout pas pour décerner des lauriers àune période de l’histoire qui, manifestement, ne les mérite pas. Elle se tient en permanence en équilibre entre deux époques aussi peu enviables l’une que l’autre, la première ayant sans doute naturellement (et libéralement) engendré la seconde. Son livre est en ce sens époustouflant. Tonique àsouhait. Un vrai tombeau renversé. Avec àterre vingt-trois vies (dont celle d’un chien particulièrement futé) captées àun moment précis de leur parcours.

Ce joyau malicieux déjoue les règles habituelles du roman et permet aux notes de bas de pages de retrouver enfin toute leur vigueur. Elles sont en l’occurrence le principal matériau d’un texte subtil, inventif et efficace.

D’ailleurs, « Â ne sommes-nous pas une note de bas de page pour la plupart de ceux qui nous entourent ?  », se demande Pamela Sauvage, désincarnée.


Fanny Chiarello : Tombeau de Pamela Sauvage, éditions La Contre-Allée.

3 avril 2016
T T+