Sur un pont, 02 | Maxime & Jules

SUR UN PONT
22H22

Kayhlia, 21 ans
Marin, 22 ans

KAYHLIA

Je suis là, sur cette énorme structure faite de pierres surplombant les eaux, les dominant, les rendant insignifiantes, ce pont est là depuis bien longtemps. Il y a des cercles sur ce pont, pour chacun d’eux un mantra a été inscrit. Il y a deux mantras qui reviennent souvent, la vie et la mort.

MARIN

Des lèvres. Lèvres rouge sang. Rouge comme son vernis. Gorgées de sang comme son cœur. Un cœur de pierre j’en suis sûr. Mais de pierre rouge. Pierre rouge qui roule sur le flanc du volcan. Belle, ça ne lui va pas. C’est trop générique. Parfaite ? Non, c’est plus que ça encore. Elle me pousse à revenir ici. Faut le temps. Le temps qu’elle gèle. Gelée comme ce putain de pont. Comme l’eau qui noie leur hurlement. À quoi il ressemble le sien ? Est-ce qu’il sonne rouge ? Ou noir ? Noir comme son âme, j’en suis sûr. C’est elle qui me fait sortir de ma maison noire. Qui me fait enfiler mon catogan noir. Qui me pousse à sortir lorsque le ciel est noir. Pour venir sur ce pont noir. Tout ça. Pour voir rouge.

KAYHLIA

Je m’agenouille pour examiner les mantras, je ne perçois rien, il fait trop sombre pour apercevoir quoi que ce soit. Soudain, un éclair retentit, le sursaut n’est qu’un euphémisme à ce moment. La pluie commence à inonder la rivière, je sens une présence, un frisson m’envahit, je pensais être seule… je vois un homme sur le rebord du pont, il dégage une aura à me glacer le sang, sa peau est pâle, ses yeux sont rouges, je le vois se pencher, une odeur de vomi se fait sentir…

MARIN

Tiens… Le pont n’est pas noir ce soir. L’eau n’est pas verte ? Pourquoi j’ai aussi chaud ? Chaud. Chaud. Rouge. Une chaleur rouge pas vrai ? Ce regard il est pas normal. Il me rappelle quelque chose bon sang. Réfléchis, réfléchis. Rouge. Rouge. Chaud. Chaud. Carmin ! C’est ça. Elle me regarde. Pour de bon. D’un regard rouge carmin. J’ai plus l’impression d’être noir. Putain quelle nuit magnifique.

KAYHLIA

Je voudrais bien le pousser hors de ce pont car je ne supporte pas de voir des gens vomir dans de tels endroits, si ma mère était là, elle me dirait : « Kayhlia, dans la vie, l’ignorance est la meilleure attitude à adopter dans ce cas de figure ».

MARIN

Ah bah ça alors ! Je l’entends à nouveau. L’orchestre. Ses cuivres, ses cordes, ses percussions. Et la harpe. Qu’est-ce qu’elle est belle elle aussi. Mais elle n’est pas rouge. Rien n’est rouge là-bas. Rien. Rien. Là-bas c’est blanc. Blanc comme leur costume de cygne. Blanc comme la légèreté de ses doigts qui fait chanter les cordes. Une dernière fois. Juste une dernière fois. Voir les cygnes pleurer. Des larmes blanches.

Kayhlia : Jules (ML 77)
Marin : Maxime (ML 75)

13 juin 2016
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