Jérôme Villedieu | Nuitistes (2)

Certains nuitistes ont tenté de dire dans un Gala qui n’a jamais paru,
que ce n’était pas possible, nous nous trompions.
Il aurait fallu faire autrement,
jouer une autre partie.
La belle.
Deux jours ne sont pas envisageables, il aurait mieux valu que les jours ne se suivent pas.
Les radicaux ont réclamé le silence car il y avait trop de clichés, mais ça continuait de parler comme si de rien n’était, ça les irritait.
Ils ne la supportaient pas.
Mieux aurait-il valu que le corps qui a cette faculté d’oublier rentrât dans sa tanière,
mieux aurait-il fallu que l’oreille se fermât et qu’on n’entendisse plus le gémissement de la bouche du métro et de la terreur qui monte, la misère multipliée.

 

Par les bonnes âmes.
Il a fallu frapper sur des portes, des tombes, aveugles (nous l’étions) déjà, nous tapinions et nous tapions dessus, coupables de tout : de la griffure au ratage, du décrochage à l’urgence, la panse, etc…
Plutôt se faire la belle, danser dans la constance de l’agglutination de l’énergie commise en chacun des points équidistants de la zone, coupables à beugler dans un caisson claquemurant l’intérieur nuit à l’extérieur et vice-versa, dans une épaisse soupière, au bureau, au magasin de la mère, chez le père rapporter la perceuse, à l’Université, chez le coiffeur, au bouc, chez elle, dans l’appartement de la vieille, dans le café sur la plage, tout coule, tout file
trop vite

 

Belle-de-nuit, nuisette
hommes ou femmes, donc
tae-kwan do de l’angoisse, s’apprêtant à faire le geste du Tigre,
de la catapulte.

 

En attente de jugement les enfants babillent dans les couloirs,
les adultes parlent, crient
des décisions vont être prises
à quoi répondent les gestes,
d’où vient cette pesanteur
non dit l’enfant - arrête réponds l’adulte
toute la journée une tension, une attente et enfin un moment de creux, on n’entend plus les moteurs non c’est toujours l’attente

 

Certains nuitistes appuient sur le champignon et finissent par s’écraser contre un mur, n’ayant pas trouvé la formule du bonheur : la chicorée est encore arrivée on va encore se lever, simple comme un coup de fil, malheureusement que se disent-ils passant à côté, ne
comprenant pas,
ce sont nuitistes d’un autre genre, ombres divines, pas à part mais pas vraiment là, tout de même le commun se bat pour ça et tente de décrire blottie la formule effacée du bonheur, donc c’est accepté plié c’est la différence le fil à couper le beurre quatre pattes à un canard,
pauvres bêtes, il y a du sang sur les meubles, c’est un vrai carnage où les certitudes sont les mauvaises matrices, les questions gênent aussi les gestes, pourquoi toujours le premier quoi qui que sublime-t-on autant, es-tu autant sublime, ne nous a-t-on point beaucoup piqué ?

 

La nuit qui grésille nourrit de son sein ton âme assoiffée
on entend les voix assourdies des hauts-parleurs,
des vieilles chansons,
des messages et des discours convenus
le nuitiste bondissant échoue bêtement, heurte un panneau, tombe
dedans
Les chairs brûlées ne sont pas loin,
l’histoire appelle.
Parfois il semble chercher la clarté des premiers temps dans la lueur rouge des cristaux liquides du réveil-matin, d’une cigarette

23 février 2017
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