Le dormeur du Val d’Oise

C’est un habitué du jardin de la ville. Il a pas pissé autour du platane qu’il a regardé grandir pour savoir que c’est le sien. La marque de ses fesses dans le sol est devenue indélébile. La mairie a bien essayé de reboucher le trou mais un vent divin vient toujours soulever la terre nouvelle. Depuis elle a abdiqué, après tout un mec qui vient s’asseoir tout les jours àla même place, c’est qu’il aime sa ville.
Il ne se pose pas la question des changements qui s’opèrent au sein de sa commune. Sa plus grande préoccupation, c’est le prix du paquet de cigarette qui ne cesse d’augmenter. Mais il s’en fout il continue de fumer, parce que sinon c’est « Â eux  » qui gagneraient. Le même genre de type qui enlève les quelques feuilles de salade et tranches de tomate de son menu Mcdonald parce que manger 5 fruits et légumes c’est bon pour les cons. Anarchiste, révolutionnaire, homme brisé mais surtout homme d’idée : c’est comme ça qu’il se définit.
Il a connu la ville quand elle était encore grande et accueillante. La fête de la musique réunissait alors la fine fleure de la scène locale. Le bar de la rue principale était toujours ouvert, et il lui arrive parfois de voir les fantômes de ses amis d’un soir, adossé àla devanture de son pub préféré, tenant d’une main une bière du Vexin et l’autre une cigarette Camel provenant d’un paquet à5 euros. Il regrette le chameau, et même si il n’est pas sensible aux campagnes de prévention, il n’aime pas qu’on lui rappelle que fumer provoque l’impuissance. Du coup il s’est acheté une boite pour ranger ses clopes. Ça donne l’air chic et vintage. Pourtant il s’en fout de la mode, mais il sait qu’il se laisse aller, et quand il se promène en ville, il voit bien qu’il a vieillit. Le poids des années se fait ressentir quand un champs disparaît et qu’un Auchan apparaît. Quand tout les commerçants qu’il a connu ferment la porte, et que les nouveaux ne la lui ouvre plus. Quand son cul ne rentre plus dans le trou qu’il a un jour laissé, comme une preuve d’amour pour sa ville.

Benjamin Luzu

13 avril 2017
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