Leslie Kaplan annoncée pour janvier

Voir page Leslie Kaplan sur site des éditions POL. A rapprocher de cet article de Leslie Kaplan sur la notion de crime : Qui a peur de la fiction ?.

Fever est un livre sur le crime, mais la question, le suspense, le côté thriller, n’est pas qui a tué - ça on le sait tout de suite - mais pourquoi.

C’est un livre sur la folie, mais sur une folie qui ne se voit pas, qui ne se dit pas, sauf justement dans le crime.

C’est un livre sur deux adolescents d’aujourd’hui, mais qui sont rattrapés par le passé, àsavoir par ce qui est arrivé àleurs grands-parents.

C’est un livre sur l’irruption violente de l’Histoire dans la vie de deux lycéens d’aujourd’hui.

Deux lycéens, bonne famille, une famille française-française, une famille française d’origine juive qui a vécu l’extermination, trois générations. Ils sont en Terminale, en classe de philosophie et ils sont fascinés par la philosophie et par leur professeur de philosophie. Ils sont exaltés par les idées, la possibilité de tout penser, de penser n’importe quelle idée, de jouer avec les idées, il y a aussi une imbrication de l’exaltation pour l’idée et de la sexualité, d’ailleurs ils sont comme toute la classe amoureux de leur professeur de philosophie, une très jolie femme, très bon professeur.

Leur idée, c’est tuer « par hasard  ». En suivant le seul hasard, ils seront imprenables, étant sans mobile. Et ils le font. Dans l’impunité et aussi l’indifférence, la leur d’abord.
Et peu àpeu la folie les rattrape, les « raisons  » se dévoilent dans leur ampleur : ils croyaient agir au nom de leur idée, ils découvrent qu’ils sont agis, qu’ils répétent une violence, un crime, qui vient de bien avant eux. Ils étaient sans affects, divisés, ce qu’ils avaient fait ils n’y pensaient plus et peu àpeu, ils se rendent compte qu’ils ont suivi inconsciemment les traces de leurs grand-pères respectifs : l’un qui a suivi des ordres, lesquels et jusqu’où on ne saura pas, l’autre qui rêve de vengeance. Ils vont devoir vivre avec ça.

Avec les deux lycéens qui font une recherche sur ce qui leur est arrivé on découvre dans les détails une des formes de cette « banalité du mal  » dont parle Hannah Arendt : non pas que le mal est banal, mais qu’il peut être le fait de personnes complètement banales.

On revisite l’affaire Papon, le procès Eichmann, mais de leur point de vue, comment ça les affecte eux, et comment ça peut nous affecter nous, ici et maintenant, dans notre société, dans notre monde.

Qu’est-ce que c’est, le crime de bureau, le crime d’indifférence, qu’est-ce que c’est, suivre des ordres, le fonctionnement de la société moderne, la déresponsabilisation ?

13 décembre 2004
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