Je fais fortune
Je fais fortune. Si, si. Je fais fortune. Je vous le dis. Je fais fortune.
Or, je suis démocrate. Donc je veux le bien de mes concitoyens.
Vous me suivez ? Je connais le moyen. Mes concitoyens veulent faire fortune
comme moi. Ils sont démocrates et ils veulent faire fortune. Même
ceux qui ne sont pas démocrates, d'ailleurs, veulent faire fortune.
C'est dire. Bref, je fais fortune. Je suis démocrate. Mes concitoyens
veulent faire fortune. Je tiens donc à ce que nous fassions tous
fortune. Voilà. Mais si tout le monde fait fortune, qu'est-ce qui
se passe ? L'argent ne vaut plus rien. Puisque tout le monde en a. Si
tout le monde fait fortune, l'argent se galvaude. L'argent va à
vau l'eau. L'argent plouf! L'argent vaut moins que quand on avait rien.
Inflation. Si tout le monde fait fortune, personne ne fait fortune. Seulement
je ne tiens pas à lâcher mon idée. Je fais fortune
et je suis démocrate. Certains vont dire un rêve. Non non
non. Ce n'est pas un rêve, c'est mon idée. Or, je viens de
le démontrer, tout le monde ne peut pas faire fortune sinon nous
sommes tous pauvres. Donc il faut des pauvres. Je fais fortune. Je suis
démocrate. Donc il me faut des pauvres. Pour faire fortune, il
faut bien que je les fabrique. Mais des pauvres pas trop pauvres. Je suis
démocrate. Des pauvres qui ne me fassent pas trop pleurer. L'idéal,
ce serait qu'ils puissent au moins boire et manger. Car si le pauvre meurt,
il faut en fabriquer un autre. A nouveau. Pour le remplacer. Voire deux
ou plusieurs. Et ça n'arrête plus. Ça n'arrête
plus. Car les pauvres sont indispensables. Donc pas trop pauvres. Des
pauvres propres. C'est le summum. Des pauvres propres. Voilà. Je
fais fortune. Je suis démocrate. Je fabrique des pauvres. Des pauvres
propres. Alors je suis riche. (Un temps)
Et les pauvres sales, me direz-vous ? (En guise de réponse, le personnage écrase du bout du
pied une fourmi imaginaire)