« Un cercle vertueux : nous leur faisons confiance, ils se font confiance et nous font confiance. »

Isabelle Thomain, professeure au lycée Galilée (Paris XIII) reçoit Makenzy Orcel en résidence en 2018-2019 - les élèves ont notamment écrit en atelier et produitdes émissions de radio..
Elle raconte ce que produit cette rencontre dans la durée.


Nous accueillons l’auteur haïtien Makenzy Orcel au Lycée professionnel Galilée depuis septembre 2018, dans de le cadre du dispositif « Â Résidence d’écrivain  » de la Région Ile de France.

Nous avions monté le dossier un peu dans l’urgence en Mars 2018 sans nous connaître… Makenzy voulait mettre nos lycéens en contact direct avec la littérature contemporaine et l’écriture, et de mon côté je souhaitais les surprendre avec un dispositif nouveau et inattendu en filière professionnelle. Nous avions tous deux le souci de leur donner confiance, de les valoriser.

Deux groupes d’une petite douzaine d’élèves chacun travaillent avec Makenzy chaque semaine. Chacun bénéficie d’un atelier de deux heures hebdomadaires.Nous sommes trois adultes avec eux : Makenzy, leur professeur de lettres Monsieur Potevins et moi-même. De septembre àfévrier, ils ont lu des auteurs contemporains et vivants (Makenzy y tient beaucoup !) et rédigé leurs propres textes àpartir des thématiques abordées. Les résultats mais surtout les progrès dans l’écriture sont spectaculaires ! A l’issue de chaque lecture nous avons eu la chance de rencontrer les auteurs et d’échanger sur leurs œuvres. Au cours de chaque rencontre les jeunes ont aussi lu leurs textes et beaucoup impressionné nos invités !

Ainsi les élèves ont étudié puis rencontré :

 James Noë l àpropos de son recueil Le pyromane adolescent suivi de Le sans visible du vitrier

 Wilfried N’Sondé, àpropos de son premier roman Le cÅ“ur des enfants leopards

 Ryoko Sekiguchi après la lecture de son essai Nagori

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Au début du projet, c’était le manque de confiance en soi qui prédominait. Souvent ils nous disaient ne pas être capables de lire, ne pas aimer cela. Même chose pour l’écriture… il trouvait ça trop difficile. Mais la patience a payé et Makenzy a progressivement réussi àles capter. Doucement la lecture est devenue plus fluide, l’écriture plus spontanée et facile. Des sourires ont commencé ànaître sur les visages, de la fierté aussi ! Les auteurs invités ont aussi tous joué le jeu et écouté attentivement les textes écrits par nos jeunes. Leurs encouragements, leur émerveillement aussi parfois ont beaucoup compté.

Récemment un élève m’a dit : « Â Madame, en fait, c’est vrai qu’on a du talent !  ». Et oui, en effet ils en ont !

La résidence d’écrivain est un outil formidable pour nous les enseignants. En tant que professeure documentaliste il était vital de trouver un moyen de réconcilier ce public avec la lecture. C’était la première fois que je me lançais dans ce type de projet mais certainement pas la dernière. Nous gagnons en connaissance de nos élèves, nouons des relations très positives sur lesquelles il est facile de s’appuyer pour les faire progresser plus globalement dans leurs apprentissages. C’est un cercle vertueux : nous leur faisons confiance, ils se font confiance et nous font confiance. Ils ont mà»ri de manière incroyable et je crois qu’ils n’oublieront pas ce travail. Des élèves plutôt introvertis se sont révélés dans l’écriture. C’est aussi une chance pour ceux qui sont moins scolaires (et ils sont nombreux en lycée professionnel !) de raccrocher par le biais de la littérature, de retrouver un intérêt àl’enseignement général.

Je crois qu’aucun n’imaginait autant lire ni écrire cette année ! J’avoue que parfois j’ai eu quelques frayeurs en découvrant les textes qu’ils allaient étudier ! Mais àchaque fois, ça a marché. Makenzy est formidable avec eux et nous nous complétons très bien. La résidence c’est aussi beaucoup de complicité entre nous, les adultes.

Isabelle Thomain, professeure

25 mars 2019
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