La Martre et le Chameau

Réunis par Marc Le Gros


Marc Le Gros n’est pas seulement attiré par les bivalves des bords de mer – dont il a souvent fait l’éloge – et par les oiseaux de halage (auxquels il a consacré plusieurs ouvrages), il est également attentif aux petites bêtes sauvages, nocturnes et presque invisibles, que sont les mustélidés. Il les présente dans la première partie de ce nouveau livre.
Ce qui l’intéresse tout particulièrement ce sont les liens qui relient les putois, belettes, martres, fouines, blaireaux, hermines aux êtres humains. Et parmi ces liens, figure la fabrication des pinceaux pour artistes. Les poils de ces chasseurs aux aguets sont très prisés, la martre tenant une place àpart.

« Â La martre des artistes est la Kolinsky, du nom qu’on donnait naguère àla fourrure du vison, en Sibérie. C’est elle qui offre àl’aquarelliste – mais on dit que Rembrandt et Turner l’utilisèrent aussi – la souplesse, le velouté le plus exquis, le plus évidemment recherché.  »

Marc Le Gros la traque àsa façon : àdistance respectueuse, la laissant filer dans des territoires où il n’a pas accès. Elle apprécie le froid du Nord de l’Europe mais aussi le climat tempéré qui sévit dans l’Ouest du continent. Elle ne se doute évidemment pas que les peintres la vénèrent. Lui, par contre, il le sait et développe cette fascination sous forme de vignettes précises, discrètement documentées, propices àla flânerie.

« Â Charles Filiger, le plus troublant des amis de Gauguin, tenait enfermés ses pinceaux de martre dans un infime reliquaire, entre une image de la vierge et une petite statuette d’Isis que lui avait offerte le comte de La Rochefoucault, son mécène.  »

La martre n’est pas le seul mustélidé évoqué. D’autres bêtes furtives, appartenant àcette famille, attisent la curiosité de l’écrivain qui travaille régulièrement avec les peintres. C’est àVonnick Caroff, qui l’accompagne ici, qu’il dédie la section intitulée « Â Poils  ».

La seconde partie du livre est consacré au chameau du désert du Thar, dans l’état du Rajasthan. Ce chameau, Marc Le Gros, qui s’est promené sur son dos, a appris àle connaître en le fréquentant longuement.

« Â Calé comme un pacha
Entre ses bosses
Je frôle les longues robes àvolants
Des femmes du désert  »

Il chemine perché. La lenteur du périple et la nonchalance de l’animal lui permettent de bien l’observer.

« Â Lors des promenades nocturnes sur le sable et outre la façon assez comique dont l’animal balance la queue et lève la patte pour pisser, j’ai pu observer àloisir leur fond d’oreille. Le gisement des poils dont on tisse les tapis de sol, là-bas, (...) proviennent de cette source.  »

Marc Le Gros met en place tout au long de ce bel ouvrage (superbement édité et qui fourmille de détails précieux) une série de rencontres toniques, rares et étonnantes.


Marc Le Gros : La Martre et Le Chameau, peintures de Vonnick Caroff, EST, Samuel Tastet Éditeur (25 rue Sous les Saints – 45000 Orléans).

Cet titre est le neuvième publié par Marc Le Gros chez cet éditeur et le troisième dans la collection « Â le ciel est ouvert  », où sont associés l’écrit et l’image.

En logo : peinture de Vonnick Caroff.

Jacques Josse

19 février 2020
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