Ateliers d’écriture "A mots ouverts"

Le texte de Carmen est issu de l’un des 14 ateliers d’écriture et de mise en voix que j’ai animés avec le théâtre de Bligny et l’atelier "A mots ouverts" depuis le début de ma résidence. Numéro 1 : "Après la noce".
Ces textes seront lus à voix haute lors de restitutions à l’occasion des Journées du Patrimoine les 18 et 19 septembre 2021 au théâtre de Bligny et à Briis-sous-Forges.

Patrick Bard.

J’avais eu de la chance, j’avais rencontré Rose.
Le jour de mon mariage, comme j’avais l’air confiant.
J’étais jeune.
Je voulais devenir quelqu’un, être utile à mon pays.
Le moral des troupes est excellent, qu’ils disaient !
J’ai dû partir.
Avec l’angoisse de commander à des moins jeunes…
Peur d’avoir peur : oui.
Mais la mort : non, je ne la craignais pas.
Et alors après…
Les tranchées, les explosions, les trous d’obus.
Les cadavres décapités, pulvérisés, engloutis.
L’affolement, la confusion
Quand tu n’es pas blessé mais tétanisé à attendre la mort.
Et puis tu te relèves
Encore vivant ?
Tous les copains inanimés.
Les cris déchirants des mutilés.
Plus tard encore, comme indifférent au carnage quand les morts sont noyés dans le nombre.
Mais c’est quand le danger est écarté et que la mort survient que ça te désespère.
Je revois encore Antonin, son visage ahuri.
Il était beau avec de grands yeux sombres.
Pourquoi cette balle l’avait-elle atteint lui ?
Ecoeuré des choses vues.
Honteux de ce qu’on m’a fait faire.
La brute que j’étais devenue me répugnait.
Rose avait l’air craintif et mal assuré.
Image trompeuse.
Elle était solide, je crois que je le savais.
Il lui en a fallu du courage pour supporter celui que j’étais quand j’en suis revenu.
Mes enfants aussi en ont souffert.
Il en a fallu du temps et de la patience.
L’égoïsme de vivre m’est revenu.
J’ai retrouvé le désir d’avoir un avenir
Et de le partager avec eux.

6 septembre 2021
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