23 ans
J’avais 23 ans. J’habitais Bruxelles, un studio avec presque la vue sur le cimetière d’Ixelles. Je venais de terminer quatre ans de philologie romane, deux de philo, j’avais en poche une agrégation mais envie de cinéma. Quoi d’autre ? J’envoyais des manuscrits à des éditeurs parisiens qui me les retournaient avec lettre type. Une première petite publication en revue d’une nouvelle primée à un improbable concours à Nantes (Jean Rouaud, prix Goncourt deux ou trois ans plus tôt, dans le comité d’honneur). En somme, rien.
Camille a 23 ans. Elle est en master 2 de sciences économiques et sociales à la Sorbonne (Tolbiac, ce cube de verre fumé). Sa mère garde des enfants à domicile. Elle-même fait les marchés (se lève à 6 heures) pour gagner un peu d’argent. Elle est brillante, elle comprend vite, elle est efficace, courageuse. Une vraie curiosité intellectuelle. Elle a fait un stage cet été dans une entreprise où je me trouve, plus de 15 ans après mes propres 23 ans. Elle mériterait largement de diriger un grand organisme d’aménagement du territoire. Elle veut être enseignante, pour être utile, s’est inscrite au CAPES. Que fera-t-elle de sa vie ? De la vie, de côté-ci. Par ici, du côté du peuple. Le mot prend toute sa vérité face à.