Carte d’été
Je vous écris de chez moi, avec l’arbre à papillons qui fait signe par la fenêtre. Ciel de métal qui s’écarte sur une éclaircie. Pas de vacances, peut-être comme vous qui nous lisez sur remue, sédentaires parce que pas encore partis, ou parce que revenus, ou, même ailleurs, assis, connectés dans un cybercafé, ou grâce à un wi-fi de gare, d’aéroport, d’hôtel. L’été, on s’écrit encore des cartes postales, on s’envoie des mots simples, des « bonjour, il fait beau, il pleut, on pense à vous ». Sur remue aussi, on pense à vous. On vous écrit.
D’Allemagne, Cécile Wajsbrot nous raconte une promenade dans un quartier de Berlin, rues Altona, Haendel, Klopstock... détruit puis reconstruit dans les années 1950, et qui, portant la trace des passages de l’histoire, parle d’avenir.
D’Avignon, Sereine Berlottier et Sébastien Rongier nous envoient des visions brèves, des lignes obliques, soulignant des moments, des bouffées de Festival, la Chambre avec gisant d’adapté d’un texte d’Éric Pessan, nous donnant des nouvelles de Laurent Grisel, venu y lire à la chapelle Saint-Charles un passage de L’Esthétique de la résistance de Peter Weiss, et on imagine bien tout cela, le vent dans les visages, la rumeur des paroles qui se rassemblent le temps d’une après-midi, d’une soirée.
D’ailleurs, nous viennent des odeurs de cuisine, de rouges confitures (c’est la saison), tous ces fragiles procédés dont Catherine Pomparat nous (dé)fait la (dé)monstration dans une nouvelle livraison de ses Souillardes.
D’Italie, on peut encore goûter la langue belle et éveillante comme des citrons, celle des poèmes d’Andrea Inglese, traduits par Pascal Leclercq, à cueillir nel piatto afgano, pronti a cader fuori...
Du temps où ils vivaient encore, avant de cader fuori, de tomber du plat de l’existence, Bataille, Char, Camus se sont écrits, dit des incompatibilités, comme nous l’évoque, Ronald Klapka, des distances qui rassemblent, l’amitié en somme, comme celle écrite sur une carte postale.
Alors, amitié à vous aussi, et à bientôt.