Cécile Wajsbrot | Un petit livre vert…
Je me souviens du livre mais pas de moi. C’était un livre vert – je l’ai encore et regardant sur internet les nuances de vert, j’hésite entre menthe et émeraude, mais ce n’est peut-être ni l’un ni l’autre. Un livre au titre étrange, Hurlemont, derrière lequel se cachent en fait les Hauts de Hurlevent. Inséré sur la couverture, le visage d’Emily, de profil - un détail en noir et blanc du portrait des sœurs Brontë par leur frère Patrick Branwell. Je ne connaissais rien de l’histoire tourmentée du tableau et de la famille, à l’époque. J’avais treize ans, c’était l’été 1967. Je ne me souviens de rien ni des circonstances de la lecture ni de ma lecture ni pourquoi ce livre, seulement que j’étais quelque part sur le bassin d’Arcachon mais en réalité dans la lande, emportée par le vent et la violence des paysages, des sentiments, emportée par le souffle de la littérature. Je me souviens de la trace, seulement, qu’a laissée l’histoire – moi qui oublie si souvent les histoires – et puis je sais la nécessité qui m’a fait relire plusieurs fois le roman d’Emily Brontë, en français, en anglais. Le signet est à la page 232, non en raison de ce qui est écrit mais parce que c’est la page qui permet l’écart le moins grand entre le ruban (jaune d’or) et son attache. Aujourd’hui encore je ne peux ouvrir ce livre sans l’impression de pénétrer dans un sanctuaire.
13 mars 2013