Clichy-sous-Bois est ma ville natale, j’y habite depuis toujours.

Autour il y a les arbres et le ciel magnifique. Clichy-sous-Bois est ma ville natale, j’y habite depuis toujours. Parfois j’en pars mais quand je reviens, ça fait comme si je retrouvais quelque chose que j’avais perdu depuis longtemps. Un jour, je me suis perdu seul dans une ville que je ne connaissais pas et j’ai quand même réussi àrentrer chez moi, en prenant le métro puis le bus, sans ticket ni argent. Je me rappelle juste que c’était une ville qui s’appelait Montrouge, une ville du 92. Je suis allé tout de suite vers la gare qui était àcôté du stade et on m’a indiqué comment rentrer. Quand je suis descendu àla gare du Raincy et que j’ai vu le bus 601, je savais que c’était le bus qui me ramènerait chez moi. Au fond, tous les humains ont un lieu d’habitation favori mais ce qu’ils ne comprennent pas c’est que ça ne leur appartient pas. Ils sont persuadés que ça leur appartient, leur maison, leur chambre mais s’ils déménagent, ces lieux leur appartiennent-ils toujours ? Bien sà»r que non. Habiter vraiment un lieu, ce serait habiter un lieu qu’on serait sà»r de ne pas perdre, un lieu qui serait définitif, qui n’appartienne qu’ànous-mêmes, même si on déménage. Mais ce lieu existe-t-il vraiment dans la vie ? Un endroit où tu te sentirais libre et àla fois puissant en ayant une vue sur le monde de demain. Tu irais par la fenêtre, une fenêtre large éclairée par les rayons du soleil puis tu sentirais le vent te donner des frissons, ce vent venant de loin coupé par les larges immeubles de la ville. En face, tu verrais le monde qui t’attend, la solitude et le désespoir pour certains, toutes 23 les épreuves de la vie. Tu ne saurais pas si cet endroit qu’est ta fenêtre est celui qui te permettra de comprendre le monde ou bien seulement de le chercher encore et encore. Par cette fenêtre aussi, tu apercevrais des personnes sans abri, des femmes seules avec leurs enfants, des personnes âgées qui attendent la mort sur un banc en nourrissant les oiseaux, la naïveté des enfants sortant de l’école, ceux qui tombent dans le mauvais chemin, ceux qui cherchent leur avenir. Tu te demanderais ce que tu deviendrais dans le futur… j’imagine : on est en 2027, il est 8 heures, je suis arrivé au cabinet en avance ce matin, c’est ma deuxième semaine dans un cabinet d’avocat. Tout le monde est très sympa, il y a une atmosphère calme. Je suis chargé d’un procès avec un autre avocat, on a rendez-vous à15 h 30 avec le monsieur. Il est 15 h 30, nous nous asseyons dans un café très accueillant, nous discutons du sujet. Le monsieur était sur le point de perdre son permis, on lui a conseillé d’acheter des points pour ne pas le perdre. Mon collègue me laisse traiter l’affaire. Le 20 janvier 2028, je suis nommé avocat, tout se déroule très bien, je pars très souvent àl’étranger, en Turquie, àIstanbul où je suis en contact avec les avocats du barreau de là-bas. Je me vois bien aussi à35 ans, dans une grande maison au bord de l’océan indien, en Malaisie. Je serais un entrepreneur là-bas, j’aurais des commerces d’ordinateur et je ferais louer mes maisons. J’ouvrirais un hôtel-restaurant en bord de mer. La Malaisie est un pays émergent, il faut investir là-bas. Je me sens nomade en fait. Je voudrais changer d’endroit àchaque période de ma vie, y habiter et puis être habité par chaque endroit, chaque atmosphère : un temple bouddhiste me rendrait plus calme, New York me rendrait plus pétillant et ainsi de suite. Habiter, 24 c’est peut-être l’endroit où j’aimerais être en ce moment, dans cette maison où le blanc d’avant est devenu jaune àcause de l’usure du temps. C’est une maison sans toit, au bord de la mer. Elle est entourée d’autres maisons semblables, toutes de cette couleur argile, sauf elle. Derrière, il y a une mosquée, la seule du village. Accolée àcelle-ci se trouve une épicerie où les couleurs sont vives. Le village est calme le matin et animé l’après-midi. L’air y est pur. Il fait très chaud mais cela ne nous étouffe pas, on entend le bruit de l’eau, on sent l’odeur de la mer bleue, on voit et on entend les albatros. Sur la table, des morceaux de pain qu’on lance aux albatros. Juste en face, le Bosphore, les bateaux-mouches qui passent en dessous, on entend toujours les cris des albatros, et puis toujours l’eau, les bateaux. Au bout du chemin, au bout de la route, un endroit spacieux, grand, ravagé par les rochers empilés les uns sur les autres, làdes gens qui prennent du bon temps cachés par les rayons étincelants du soleil, pas de pelouse artificielle ou de route de béton, un banc de sable ensevelie par l’eau salée de la mer qui s’étale en bordure de la plage, l’eau aussi claire que le clair de lune, les fins grains de sable qui donnent l’impression de marcher sur une terre glaise, parsemés d’innombrables coquillages blancs, la nuit, pas de nuage, le clair de lune fouettant l’eau et le sable de sa lumière, autour de cet endroit des routes vides de monde, des routes indiquant le chemin vers la ville où le brouhaha et le désordre se mêlent. Là-bas, les gens sont absorbés par l’odeur de leurs cigarettes, les magasins illuminés par les odeurs du marché où on trouve de tout, saveurs et goà»ts qui rappellent les pays chauds du monde arabe, l’atmosphère des heures qui s’étirent avec les gens qui traînent dans les endroits publics.

(extrait du livre écrit par les lycéens de Clichy-sous-Bois )

3 février 2016
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