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culs de bouteilles saint-sulpiciens

 
sommaire des chroniques de Dominique Hasselmann
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Mince artère parisienne qui raccorde, en grimpant, la place Saint-Sulpice au jardin du Luxembourg, la rue Servandoni (l’architecte qui acheva, en 1745, la façade de l’église monumentale au bourdon entêtant) a su garder un parfum d’autrefois.

Elle est sertie de petits pavés (identiques à ceux du boulevard Saint-Michel en mai 1968), elle est étroite (la marée poissonnière livrée en camionnette à l’unique restaurant bloque l’automobiliste égaré), et elle est peu pratiquée.

Quelques librairies alentour résistent aux boutiques de luxe du quartier : «Homme nouveau», et au coin de la rue du Canivet et de la rue Férou (6e arrondissement), «L’Âge d’Homme», ombre portée de Michel Leiris.

La rue Servandoni a été empruntée par Condorcet de 1793 à 1794, quand il logea au numéro 15 ; il faut imaginer qu’il y croisa au moins une fois Olympe de Gouges (1748-1793), auteur de la «Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne», installée en face de sa maison. Roland Barthes, presque deux siècles plus tard, occupa le numéro 11 de cette voie urbaine rétrécie comme pour ménager un abri contre les importuns.


Mais la vie continue : ici, apparemment, on déménage une cave, à l’aide d’un «pick-up» largement ouvert à la convoitise du regard interloqué.


Un homme vêtu d’une soutane - ô signe ostensible ! - passe devant cet entassement de culs de bouteilles saint-sulpiciens : vin de messe, débarras de grands crus ou de piquettes, amoncellement de remords alcoolisés ? La tête lui a, dirait-on, tourné!

Logiquement, à peu près en face, une plaque de pierre à moitié illisible indique : «Ici, Messire François de Chansiergues d’Ornano, diacre chanoine d’Uzès qui repose en l’église Saint-Gervais, entreprit la fondation des petits séminaires, 1666.»

Juste à côté, sur la place Saint-Sulpice elle-même, se sont tenus récemment le Marché de la poésie (24 au 27 juin), dont on a pu lire qu’il se portait mal, et la deuxième édition du Salon du Théâtre et de l’Edition théâtrale (l28 et 29 juin).

L’activité artistique survit encore, malgré l’emprise du «capitalisme culturel», comme l’a analysé Christian Salmon dans «Libération» du 1er juillet.

Mais quand même, difficile à croire : Rimbaud, la fin ?

D.H., 3 juillet 2004

http://www.paris.fr/musees/musee_carnavalet/Collections/regard_oeuvre_maquette_saint_sul.htm
http://www.michel-leiris.com/
http://www.academie-francaise.fr/immortels/base/academiciens/fiche.asp?param=261
http://www.histoire-en-ligne.com/article.php3?id_article=195
http://www.taalfilosofie.nl/bar_chrono.html