Dans mon carnet, j’avais noté avant de partir ce vers de Rilke : "Car demeurer, cela n’existe nulle part"

Connemara
(Photo de Céline Jacq)

Intermédiaires irlandais
Jean-Pascal Dubost

« Si l’homme perd du terrain sur les légendes, il n’est plus que déception »

Jean-Pascal Dubost marche en Irlande. Poésie, prose, récit, allez savoir ce qui se trame dans le texte d’un poète sous la pluie et la solitude. Il marche, boit de la bière, voit apparaître Fata, fée songeuse, puis égare son carnet.

On avait remarqué l’année dernière son livre Terreferme. C’est dans cette veine de la prose hautement composée, mais là plus dense, prenant à corps perdu tout un voyage, toutes les années entre deux voyages, que l’écrivain Jean-Pascal Dubost écrit ces étranges randonnées en Irlande. Il raconte. Quand un poète raconte, la narration se fait tissage de phrases chacune plus ciselée les unes que les autres.

C’est sous le patronage de l’écrivain irlandais Flann O’Brien que le livre est mené. Et cela annonce une forme, une sorte de puzzle dont on se réjouirait de tenir les pièces mais qu’on ne s’y trompe pas : le marcheur du glen et de la lande, des tourbières et des brumes basses, s’il semble ne pas savoir où il va, s’il se perd souvent, s’il se réfugie en un buisson ou un Bed and Breakfast inondé de bibelots de pacotille, suit parfaitement le rythme qui nous emmène. Il est seul, pourtant accompagné par Fata, fée ou mirage, ici et là. Il est seul mais c’est sans compter sur Montaigne, Dhôtel, Kerouac ou Joyce, Yeats encore et bien d’autres qui s’invitent forcément dès qu’on marche dans ces pays de vent, d’océan et de terre. Et on sourit parce que les rencontres dans le bus, les vieilles femmes des légendes dans les rues des villages, les buveurs de bière dans le pub, les patronnes des hôtels, les moutons et les corbeaux ont des allures et des réparties que l’écrivain nous rapporte avec tendresse et plaisanterie à la fois, acerbe aussi.

Il est seul mais s’adresse précisément à son lecteur.

Le rythme du texte suit celui subtil de la marche, inventif à chaque pas, mais surtout celui infini de la pensée qui marche, des souvenances, des sensations, des références, des sentiments de solitude bienfaisante et du rire, qui, parfois, devant un spectacle incongru, prend source dans tout ce fatras en mouvement et, seul, éclate au bout du chemin.

Enfin, le voyageur ne veut surtout pas qu’on lui pose la question : pourquoi l’Irlande ? Le lecteur (la lectrice), lui, (elle) saura pourquoi il (elle) a envie de relire et de faire lire ces Intermédiaires Irlandais, il (elle) y ajoutera juste ses propres auteurs comme Nuala O’Faolain.

Intermédiaires irlandais
Jean-Pascal Dubost
Editions Apogée
isbn 978-2-43 84398-353-5

Cathie Barreau

17 mai 2010
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