Des sensations étranges et éprouvantes

Les lumières, les remous dans l’eau déformaient les silhouettes des personnes accoudées aux balustrades, qui bordaient la Seine. Inquiétants étaient leurs reflets, étranges étaient les sons que l’on percevait. Tout était occulté, sourd. Les vagues étaient douces sur ma peau, elles me massaient le dos et les pattes. L’eau était froide et me revigorait. Je sortais la tête des profondeurs marines pour essayer d’entrevoir ce que je n’arrivais pas bien à distinguer plus tôt. Dès que mes yeux émergeaient lentement des abysses, je vis une forme bouger et entendis un long râle, un cri presque inhumain. Apeurée, je nageais plus vite, je rentrais la tête dans l’eau, seul élément réconfortant et essayais de me calmer. Mais la chose qui m’avait surprise m’avait effrayée. La lune était pleine, les lampadaires vacillaient sous la pression du vent. J’étais perdue, perdue au milieu de nulle part. Je sentais qu’il me fallait dormir pour reprendre des forces et essayer de calmer mon palpitant qui émettait des « boum » rapprochés. J’étais seule. Au fur et à mesure que j’avançais, je perdais mes repères. Tout se ressemblait, les monceaux de pierre sur les côtés, les ponts. Tout m’était étranger. J’avançais sans convictions. Je me heurtais et me blessais à des éléments flottants sur l’eau. Je paniquais presque de ne jamais les revoir. Puis, je perçus un hululement, une créature aux yeux perçants, jaunes se tenait sur ce qui semblait être un bâton grand, gigantesque. Je l’observais sans le moindre mouvement de ma part. Ce son m’était familier. Je l’avais déjà entendu mais sans savoir ce qui le produisait. Puis, alors que le silence était revenu, je vis des lumières bleues et le son affolant qui les accompagnait. Curieuse, j’examinais les alentours pour connaître les raisons de cette activité si soudaine. Bien entendu, je vérifiais auparavant que personne ne soit dans les environs. Les sons semblaient être en aval de là où j’étais. Je rebroussais chemin, hésitante mais mon envie de savoir l’emportait. Je ne sortais plus la tête de l’eau de peur de recroiser la chose qui avait émit un son si particulier. Alors, je vis trois ou quatre silhouettes s’affairer aux bords de l’eau sur une autre silhouette allongée. Elles se mouvaient comme une chorégraphie. L’une que j’identifiais mal pressait ses pattes sur le corps allongé sur le sol. Elle répétait ce mouvement autant de fois qu’il fallait pour qu’enfin, la chose sur le sol bouge un peu. Quel curieux rituel ! Je me risquais à montrer ma tête, supportée par un long cou, mais restait en retrait de l’agitation. Alors, la chose étendue tourna la tête vers moi mais j’avais, dans un sursaut, replongé hâtivement sans un remous. Je ne devais pas rester là. Ma survie en dépendait, mon instinct ne me trompait pas. Inquiétés par les dires de cette chose qui était, je l’apprendrai plus tard, un homme de l’espèce des mammifères, les trois autres personnes s’agglutinaient vers l’endroit où j’étais, il y a peu. Peu rassurée par la tournure que prenaient les choses, je décidais de pousser mon exploration plus loin et de manger dans un coin plus tranquille. S’il le fallait, je sortirais mais seulement si besoin était. Demain serait un autre jour, un jour de plus dans mon existence et dans la quête que je menais bien malgré moi. Je devais retrouver l’endroit où je vivais auparavant et retrouver ma famille. C’était une question de vie et de mort, encore une fois.

Solène Lécuyer

27 février 2017
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