Dire Migrateur

Lionel-Édouard Martin lancé "sur la route en V des oiseaux migrateurs".


Si les récits de Lionel-Édouard Martin s’ancrent pleinement dans sa terre natale, en l’occurrence celle du Poitou, qu’il interroge, sillonne, revisite à travers la mémoire familiale, il n’en va pas de même avec ses poèmes qui captent les éléments furtifs d’un parcours bien plus volage.
Le périple, réellement « migrateur » et tout aussi personnel, s’affirme ici plus proche de l’air que de la terre. Témoins, ces multiples oiseaux qui accompagnent ses voyages du nord au sud et qui aident à passer, en un éclair, des Abords du blanc (en Bavière) à L’œil de la guêpe (à Trinidad) tout en donnant la Parole au mainate (en Martinique, où il vit) ou en esquissant un salut ensoleillé et tremblotant (« toujours à deux doigts de la chute ») aux Échassiers du peintre Reynald Joseph à Haïti.

« Tout pourrait s’écrouler, badauds ivres morts, grappes d’hommes aux balcons, jusqu’aux nuages, à grande confusion de paroles et de pluies. Ces deux, quelle envie ont-ils eue d’altitude et d’échasses, Babel branlant sur sa base infime ? »

Au beau milieu du livre, entre poèmes, fragments et notes, reliés aux voyages et aux sensations fugitives, dix proses plus lentes et amples servent d’assise à l’ensemble. On y croise l’auteur étonné et à nouveau arrimé aux plaisirs simples (voire insoupçonnés) d’un quotidien pris à bras-le-corps. Ce qui lui permet de se replacer, transporté de séquence en séquence, sans cesse au gré de ses émotions, ici « escortant Francis Jammes sur le chemin du paradis », là « buvant du vin rouge à Paris », ailleurs « paissant avec les vaches », avançant au ras du sol « homme, parleur dans l’eau, mal voué à envisager la terre », mais néanmoins, et toujours, par bonheur, surpris de cette étrange (et volontaire et incessante) migration qui l’emporte.


Lionel-Édouard Martin : Dire Migrateur, éditions Tarabuste, rue du fort – 36170 Saint-Benoît-Du-Sault.

29 juillet 2008
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