Disparition de Martine Drai

Je viens d’un autre temps, ne craignez rien, je ne vous ferai pas de mal, je n’ai pas le pouvoir de me séparer de cet arbre… J’ai seulement besoin de vous parler…

Cet arbre est très ancien… À l’époque où je l’ai découvert on le disait déjàdeux fois centenaire…

Longtemps avant que vos yeux me découvrent je vous ai vue vous mettre en route vers la berge et j’ai su àvotre visage que vous pouviez m’entendre et ne pas m’oublier.

Je vis d’une autre vie que la vôtre – ne cherchez pas àme voir davantage. Vous ne me verrez jamais de face, ne cherchez pas àm’approcher, si vous m’approchez je disparaîtrai [1].

 

             Ce printemps nous devions prendre l’autobus 74 jusqu’au terminus « Clichy Berges de Seine  ». Nous aimions la juxtaposition des mots « Clichy  » et « Berges de Seine  », nous aimerions voir la Seine àClichy, le fleuve et la ville, les arbres, les péniches, nous choisirions un bistrot pour boire un café au soleil, en terrasse, Martine ne fumait plus mais la fumée des cigarettes ne la gênait pas, nous ferions des rencontres, des gens du quartier, ou des promeneurs, certainement, Martine aimait, suscitait les rencontres, elle les racontait bien, avec générosité

             elle les a racontées dans sa chronique De Paris

             comme elle marchait beaucoup elle aimait les chaussures, elle a raconté pourquoi elle a peint avec obstination ses chaussures et celles de quelques autres, et les chaussures qu’elle a peintes elle les avait récemment exposées

             Martine était plasticienne, écrivain, metteur en scène [2]

             tous les liens sur remue.net sont ici
             vous pourrez l’entendre lire [3]
             sa bibliographie et les liens vers son travail sont là

             hommage àMartine Drai sur le semenoir

             Notre amie était tombée malade, « une mauvaise malade  », avait-elle écrit avec un grand sourire, elle refusait la tristesse, elle n’est plus làpour nous le rappeler, nous sommes tristes.

             Â« Vous êtes le 4548e visiteur  », me dit son site [4], nous sommes le samedi 8 mai, il est 15h03, j’y ai trouvé l’autoportrait qui accompagne ce texte, il s’intitule Autoportrait àla tête des autres.

             Martine Drai nous a laissés seuls le mercredi 5 mai 2010.

Dominique Dussidour

8 mai 2010
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[1Martine Drai, Celle qui avait mal àson ombre, éditions Le bruit des autres, 2007.

[2

[4Aujourd’hui fermé.21 avril 2012.