Dominique Berthet Pour une critique d’art engagée, un livre, une revue, deux rendez-vous

Dominique Berthet vient de publier chez L’Harmattan Pour une critique d’art engagée.

Commençons donc par la fin :

Si le plaisir esthétique est bien une donnée réelle cependant, il n’est donc pas en mesure de dépasser le rapport premier et immédiat de l’œuvre, possibilité qu’offre en revanche la critique au sens où nous l’avons envisagée ici. La critique, dans un discours pluriel qui n’épuisera jamais l’œuvre, donne en effet la possibilité d’aller au-delà de l’évidence de l’œuvre. Elle permet de dépasser l’immédiateté et d’inclure l’autre dans la réflexion. La critique propose un certain éclairage, qui ne peut se poser en vérité absolue et irréfutable. Il s’agit d’opter pour le point de vue, comme le préconisait Baudelaire, qui ouvre le plus d’horizons. Ainsi que le disait Walter Benjamin, la critique est donc bien "affaire de distance convenable." (p. 162)

Dominique Berthet n’est pas seulement un lecteur de textes historiques de l’esthétique. Il n’est pas un compilateur des écrits de ses contemporains. Il est lui-même acteur de cette critique esthétique et animateur de la pensée esthétique (notamment via sa revue Recherches en esthétique [1]).

Pour une critique d’art engagée est l’occasion pour Dominique Berthet de revenir sur les enjeux de la critique, entendue comme écriture engagée dans la pensée de l’œuvre. Les multiples mises au point historiques opérées par Dominique Berthet sont autant d’occasion de déplier une généalogie de Lessing à Sartre) et des articulations (la liaison Diderot/Baudelaire par exemple). Autant d’éclairages pour saisir les résonances historiques dans les débats contemporains et dans les positions d’une pensée et d’une écriture critique aujourd’hui. En effet, pour saisir les enjeux et les évolutions d’une pensée de la critique, il faut parcourir les grandes figures et les strates historiques d’une écriture critique. Dominique s’y emploie avant de concentrer ses derniers chapitres sur nos contemporains. De Lessing, on peut garder la critique par la forme, le matériau (déjà) comme structure critique et dialogue des arts. Dominique Berthet souligne avec Diderot la naissance de la critique d’art, son caractère confidentiel mais l’effective confrontation de l’écriture aux œuvres d’arts. Le contexte s’y prête sans doute plus que tout autre puisque le moment est celui de l’explosion des formes d’écriture. C’est le temps de l’expérimentation, impliquant pour Diderot un dépassement de l’alternative description/fiction littéraire pour l’expression d’une opinion (morale) sur la beauté des œuvres par une mise en scène de l’écriture. L’auteur de Pour une critique d’art engagé se plonge ensuite dans Baudelaire qui ouvre de nouvelles brèches théoriques, pose une méthode, un regard neuf et une écriture inédite. Cette théorie prendra le nom de modernité et l’écriture poétique et critique versera dans la prose, l’écriture devant finalement être "la manifestation d’un tempérament" (p. 60). L’arc allant de Baudelaire à Walter Benjamin est évident et Dominique Berthet éclaire la puissance de l’engagement critique de Benjamin autour des notions de "teneur de vérité", de "distance convenable" et d’engagement complet dans la compréhension de l’œuvre d’art. Pour Benjamin, « l’interprétation des œuvres est un acte critique et politique. La critique s’implique elle-même dans le dévoilement du sens de l’œuvre. » (p. 96).

Deux occasions pour rencontrer Dominique Berthet et approfondir la lecture de son dernier livre :

— Le jeudi 10 octobre 2013 à 19 h, à l’Espace L’Harmattan – 21 bis, rue des Ecoles, 75005 Paris, Pour une critique d’art engagée sera présenté par Pierre Juhasz et Jean-Marc Lachaud

— On retrouvera Dominique Berthet et la revue Recherches en esthétique au 23 ème Salon des revues du vendredi 11 au dimanche 13 octobre 2013 (Espace d’animation des Blancs-Manteaux 48, rue Vieille-du-Temple 75004 Paris)

8 octobre 2013
T T+

[1Petite note personnelle : j’ai la chance de collaborer régulièrement dans cette belle revue.