Écrire c’est ça qui est atteint. C’est ça ou rien.

À la question « Pourquoi écrivez-vous ? » posée en mars 1985 par le quotidien Libération à quatre cents écrivains, Marguerite Duras avait « poliment » non-répondu :

J’ai été harcelée par les questions des journaux sur ce point précis, écrire.
J’ai essayé de répondre poliment mais en fait je n’avais rien à dire là-dessus.
Je ne sais rien, je n’ai jamais su là-dessus ce qu’il en est de cette drôle d’activité.
Je crois que ça cessera en 2027.
Fini d’un seul coup, personne n’écrira plus.

Presque dix ans plus tard, dans Écrire (1993), dans sa maison de Neauphle-le-Château, face à la caméra de Benoît Jacquot, à propos de l’acte d’écrire comme « lieu » qui est « atteint » (ou pas) par ce travail-là, elle dit ceci :

Écrire.
Je ne peux pas.
Personne ne peut.
Il faut le dire : on ne peut pas.
Et on écrit.
C’est l’inconnu qu’on porte en soi : écrire, c’est ça qui est atteint. C’est ça ou rien.

Écrire c’est tenter de savoir ce qu’on écrirait si on écrivait - on ne le sait qu’après - avant, c’est la question la plus dangereuse que l’on puisse se poser. Mais c’est la plus courante aussi.

Photo Alain Fonteray ©

6 mars 2006
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