Fabienne Swiatly | Poursuivre
Salle Malraux à Chambéry qui nous accueille pour un nouveau laboratoire. Lecture à la table du texte qui prend forme. Les comédiennes disent. Je suis attentive, je dois repérer les facilités, les faiblesses, le mou du langage, l’alignement de blabla.
Monologue du frère, du père, scène dite du masque... Sylvain Ferlay, le musicien propose des bruitages, improvise une chanson, accompagne les premières scènes du plateau. Certains passages de la pièce sont transformés en didascalies. Ma présence permet une utilisation plus souple du texte : enlever, ajouter, repérer des répétitions, transformer des mots en images, donner corps.
Après trois journées de travail nous proposons une séance publique au personnel du théâtre et quelques personnes extérieures. On montre le travail en cours puis on échange. Marie, paraplégique depuis quelques années, raconte la difficulté des déplacements, le regard des autres, un monde que l’on ne voit plus qu’assis. Louis raconte sa fille handicapée et le corps qui grandit et devient difficile à porter, à soigner. J’écoute avec intérêt les échanges mais je pense aussi que nous n’avons pas à devenir des spécialistes du handicap. Ne pas perdre l’élan à l’origine du texte et du projet : nos ignorances. Ne pas en dire plus long que ce qui va s’écrire, se jouer.
La journée est finie, je suis fatiguée, vidée. Je trie les photos donc j’en supprime beaucoup. Ce soir je vais mettre au propre les corrections et les changements du texte.
Soleil printanier dans les rues piétonnes de la ville. Beaucoup de gens assis en terrasse. L’air est fluide.
Cet étrange texte rédigé qui peut-être ne servira pas, un point d’appui à un autre fragment ?
Une personne muette est quelqu’un qui joue de la façade. Ici, il y a ce que je connais, là-bas ce que je désire. Tout est un terme envahissant, rien est un trou dans ma poche. Sous contrôle jusqu’à que je me prenne les pieds dans l’élastique des limites. La nuit s’agrippe au jour et disparaît. Laissez-moi en paix que je questionne la guerre. Sales les histoires que tu frottes de normalité chaque jour. Précis les mots que tu ne dis pas. Je reste au sec de mon désir. En haut tu penches la tête vers moi, en bas tu poursuis le chemin ailleurs. Te déplacer dans le labyrinthe, inadapté malgré le taille-haie. Ouvert jusqu’à la fermeture de ta pensée. Debout je suis prête à me coucher devant n’importe qui. Normal le regard que tu portes sur moi avant que tu ne constates ma différence. Anormal ton regard qui dévie car je reflète ta peur. Mou le mouvement de ta bouche quand il ne parvient pas à dire le dur de la vie. Ouvert ton corps quand j’entrevois ce qu’il peut donner.