Fictions beyrouthines et autres citadines (1)

I


Comment se tenir dans les bras d’un homme, tenter de s’y abandonner encore, le regarder dans les yeux qu’il a bleus et soudain aimants, alors que, quelques instants plus tôt, àla minute même d’une jouissance, de celles qui seraient hors de toute pensée puisque c’est la condition de son avènement, l’image et l’idée d’un autre homme, aimé celui-là, surgit dans l’esprit et dans le corps en extase, àl’insu, présence imposée par un au-delàde soi qui aime àl’encontre ?

Tout moment est rempli de sensations et de phrases qui s’écrivent, se raturent, se réécrivent, cherchent un chemin, s’arrêtent pour mieux se refaire. Rien de la vie n’est laissé, tout est capté, lumières, sons multiples, détails d’odeurs, séquences de scènes ; au point que cela fait des mouvements incessants dans l’esprit et le corps, des déplacements et des traversées qui, s’ils furent enfouis et souffrants, sont désormais la matière de la vie. Qu’elle soit débordante importe peu, qu’il faille choisir et abandonner, tisser, est non seulement accepté mais c’est de cela qu’émane la force de vivre.

Comment se tenir dans les bras d’un homme ?

Des rues, provient un air de printemps en plein hiver. Une silhouette dans son manteau léger descend la rue Hamra. Elle porte une sorte de puissance qui virevolte avec élégance. Elle pourrait s’effondrer là, il y aurait encore de la grâce. Elle s’appelle Muriel, ou Marya, ou Kamila. Deux ou trois taxis klaxonnent. Elle marche les yeux en l’air comme un enfant naïf. Elle fait « non  » de la main aux visages qui la hèlent des voitures ; elle ne devrait pas sourire.

Plus elle va vers l’ouest, plus l’espace se vide et s’éclaircit. Tout au bout de la longue rue, il y a la mer. Mais avant, il y a la guerre, celle qui n’a ni début ni fin.

Comment - ne pas - se tenir - dans les bras d’un homme - abîmé ?

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24 janvier 2011
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